Académie des Jeux Floraux – Dora Mars -  Rose d’Argent – 2019  (© Claude Fèvre)

Aca­dé­mie des Jeux Flo­raux – Dora Mars, Rose d’Argent, 2019 (© Claude Fèvre)

3 mai 2019 – Séance solen­nelle de la Fête des Fleurs

Remise des prix du concours de la chan­son poétique 

Avec
San­dra Bour­guet /​Dora Mars pour sa chan­son Tomas­zow (texte de Frank Giroud, musique de San­dra Bourguet)


Salle des Illustres – Le Capi­tole (Tou­louse)

Les Jeux flo­raux ont été ins­ti­tués en 1323, à Tou­louse, par sept trou­ba­dours pour main­te­nir le lyrisme courtois.

La Com­pa­gnie du Gai Savoir, ain­si créée, fut dotée du sta­tut d’A­ca­dé­mie en 1694 par Louis XIV. Héri­tière d’une tra­di­tion d’ex­cel­lence depuis près de sept siècles, elle entend pro­mou­voir la poé­sie sous toutes ses formes et, d’une manière géné­rale, la lit­té­ra­ture. Chaque 3 MAI, elle remet depuis 1324, des « Fleurs » aux lau­réats des dif­fé­rents concours qu’elle organise.

Consi­dé­rée comme la plus ancienne socié­té savante d’Eu­rope, l’A­ca­dé­mie des Jeux flo­raux fut recon­nue d’u­ti­li­té publique depuis 1923.

Elle est aujourd’­hui héber­gée dans l’hô­tel d’As­sé­zat (chef d’œuvre de la Renaissance)

La plus ancienne socié­té d’Europe

Il a fal­lu que la céré­mo­nie annuelle du 3 mai arrive presque à son terme pour que nous assis­tions à la remise des prix de la « chan­son poé­tique ». Pour que San­dra Bour­guet – autre­ment nom­mée Dora Mars dans sa vie d’artiste – chan­teuse, auteure et com­po­si­trice s’avance enfin vers l’imposante tri­bune pour rece­voir sa récom­pense, la Rose d’argent. Notons que nous avons vu aus­si Lise Mar­tin rece­voir une médaille pour sa chan­son J’ai reçu.

La chan­son a donc ici, sous les ors de la Répu­blique, toute sa place aux côtés d’autres prix lit­té­raires cer­tains rat­ta­chés à une tra­di­tion sécu­laire comme ce lys remis pour un Chant à la Vierge, ou aux cotés d’autres prix his­to­ri­que­ment datés, comme celui de la Ver­tu décer­né à une femme pour sa vie de dévoue­ment… Ces deux récom­penses étant décer­nées en début de séance, vous pou­vez aisé­ment devi­ner notre étonnement…

La salle où nous sommes invi­tés concourt au dépay­se­ment avant même de nous lever pour voir entrer l’Académie en tenue d’apparat, maîtres et maî­tresses (?) es jeux. Aucune sur­prise, ici aus­si les femmes sont rares bien que la tra­di­tion veuille que L’Académie doive son exis­tence à Dame Clé­mence Isaure. Chaque année, en ce 3 mai, son éloge est pro­non­cé. Or, cette fois il est confié à Aman­dine de Péri­gnon qui ne manque pas de retra­cer l’histoire de cette ségré­ga­tion au sein même de cette ins­ti­tu­tion toulousaine.

La salle des Illustres du Capi­tole est « à peine plus petite que la Gale­rie des glaces du Châ­teau de Ver­sailles. Créée sous la IIIe Répu­blique, elle célèbre l’his­toire de Tou­louse et de ses grandes per­son­na­li­tés » à grand ren­fort de toiles immenses d’artistes locaux, de colonnes en stuc et peintes en faux marbre, et de sta­tues en terre cuite… Tout ce décor en impose, nous écrase même un peu, mal­gré une assis­tance très com­po­site. C’est là, pen­sons-nous, toute l’ambigüité de notre Répu­blique qui aime bien déci­dé­ment le déco­rum et l’apparat… 

Car il faut vous dire com­bien cette séance solen­nelle nous trans­porte dans un ailleurs. C’est un voyage qui nous a sem­blé d’abord très étrange. Un saut dans le pas­sé, dans des rituels qui semblent incon­grus, dans des tra­di­tions qui échappent tota­le­ment à notre quo­ti­dien cultu­rel. Les dif­fé­rentes allo­cu­tions rap­pellent bien enten­du l’enracinement his­to­rique de cette Aca­dé­mie des Jeux Flo­raux, l’attachement aus­si à la langue d’oc – des prix lui sont réser­vés, légi­ti­me­ment, si l’on se réfère aux sept trou­ba­dours ori­gi­nels – mais aus­si le sou­ci d’ouvrir sur le pré­sent et l’avenir. Par­mi les très nom­breuses récom­penses pour les­quels nous voyons s’avancer des auteur-e‑s de tous âges et de toutes régions, voire de la fran­co­pho­nie, en prose comme en poé­sie, cer­taines sont dotées par des grands groupes (Laté­coère, EDF, Engie), d’autres sont dévo­lus aux jeunes (moins de 25 ans) très jeunes par­fois, puisque des élèves de CM2 se sont vu offrir le pri­vi­lège de dire leur texte, avec une remar­quable dic­tion et une belle aisance. Com­ment ne pas se réjouir de décou­vrir, qu’avec l’aide de leurs ensei­gnants, l’écriture, les mots conti­nuent d’exercer leur pou­voir et leur charme ?

Un peu de recherche nous appren­dra que ces Jeux Flo­raux qui ont bien­tôt sept siècles ont vu récom­pen­ser d’illustres auteurs : Vic­tor Hugo en 1820, à dix-sept-ans, devan­çant pour l’occasion Lamar­tine. Il reçut un lys d’or qui lui valut d’être nom­mé « Maître es Jeux » … et d’être dis­pen­sé du ser­vice mili­taire, lui, fils d’un géné­ral ! Cha­teau­briand le fut à son tour l’année suivante.

C’est dire si rece­voir un prix de cette Aca­dé­mie, quel que soit le sen­ti­ment de faire un pas de côté, ne peut lais­ser indif­fé­rent. Et c’est sans doute ce qui pousse des chan­teurs – 90 cette année – à concou­rir. Le prix était remis ex aequo à deux artistes. On vou­dra bien nous par­don­ner de ne pas connaître le nom de l’autre lauréate.

Nous avons vécu avec une émo­tion sin­gu­lière, en clô­ture de cette séance, ce moment où San­dra Bour­guet, par ailleurs par­te­naire de notre lec­ture des Mémoires de Bar­ba­ra, a ins­tal­lé son pia­no numé­rique pour inter­pré­ter sa chan­son Tomas­zow. L’émotion était d’autant plus grande que l’auteur avec lequel elle par­ta­geait son prix, est décé­dé en juillet 2018. Notre sur­prise fut grande de consta­ter que cet homme, ori­gi­naire de Tou­louse, his­to­rien, auteur de chan­sons notam­ment pour Juliette (album Assas­sins sans cou­teaux), de nom­breuses séries de bandes des­si­nées ne parais­sait pas connu de la docte Aca­dé­mie… C’était somme toute un bel hom­mage qui lui était ren­du sous la somp­tueuse voûte de la salle des Illustres, par la voix haute et claire de San­dra Bour­guet et sa valse nos­tal­gique. Plus que jamais, elle méri­tait le nom de scène Dora Mars emprun­té, avec l’autorisation de son auteur, à l’héroïne du pre­mier volume de la série Quintett.

Pour écou­ter les chan­sons de Dora Mars : https://​sound​cloud​.com/​d​o​r​a​-​m​ars