Alexis HK, Bobo Playground, 2022 (©Souffle)
23 septembre 2022, Alexis HK, sortie de son 6ème album, 12 titres, Bobo Playground,
L’ours est sorti de sa tanière
Avec
Paroles & musique : Alexis Djoshkounian – Arrangements : Sébastien Collinet – Réalisation : Sébastien Collinet & Alexis HK – Éditions : La Familia de Francia
Le précédent album d’Alexis HK, on s’en souvient… Son image sombre nous hante encore… Ce tête à tête avec la bête… Une part de soi, une part de notre humanité ? On se souvient des réalités désespérantes d’une humanité glaçante mais aussi de toutes les autres chansons faites de tendresse, de beauté… Alors quand s’annonce le nouvel opus, quand son auteur en dévoile deux titres, un clip, des couleurs « layette », du bleu, du rose, on comprend qu’il est sorti de son antre. Mais ne vous y trompez pas, sa plume ne fait pas pour autant de concessions et surtout pas à lui-même !
Le visuel de la pochette aligne dans une armoire à pharmacie ouverte, onze boites, tubes ou flacons de médecines, toutes étiquetées « Mieux ». L’armoire idéale du bobo, du « bourgeois moyen, bourgeois bohémien ». Impossible de ne pas se reconnaître, vous et moi, dans La chanson titre Bobo Playground, celle qui a déjà bien circulé dans la bobo sphère, énoncée à la première personne. Portrait d’un homme à l’enfance cajolée, à la vie confortable du bon côté de la barrière, aux idées progressistes bien entendu, sans omettre de souligner l’effet inattendu de la pandémie, jusque dans le Berry, où débarquent les « bobos migrants »…
Voilà, vous êtes avertis, Alexis HK tire à boulets rouges sur nos travers, nos paradoxes, nos lâchetés au point d’écrire dans la dernière chanson au titre ironique, Ville Lumière – la plus amère et peut-être la plus belle chanson avec seulement l’accompagnement du piano – « Je voudrais demander pardon, je voudrais me faire acquitter » pour avoir été de ces pressés, de ces indifférents qui ne voient même plus « la chute libre et amère des hommes arrêtés » sur le trottoir.
Alexis HK n’est jamais bien loin de tout ce qu’il écrit, à commencer par le rappeur « Faut qu’j’arrête…J’peux pas m’saquer en survêt… » Et que dire de la casquette ? Il se gourmande « J’attrape un style qui n’est pas le mien » et dénonce clairement une « mélancolie » un tantinet « mercantile » pour aboutir à cette définition : « Finalement un rappeur, c’est un petit vieux qui radote sur ta tête pour faire de l’argent … qui radote dans sa tête, mais qui a 17 ans ». On s’arrête aussi au Rêve de nul – instrumentalement teinté de jazz, guitares et contrebasse – qui en rajoute encore à sa Bobo land, en alignant des mauvais rêves qui en disent long et « feraient regretter les moments nuls de la réalité ». Exemples ? « Des voyous démontaient mes jantes alu sur le trottoir », un meeting avec des Républicains, une carte bleue périmée au moment d’acheter son Smartphone sur Amazon… Evidemment, on devine nos contemporains sous les dehors du conte, sous la cotte de mailles de l’aspirant chevalier ([No] knight), qui « n’a pas l’étoffe intrépide et se retranche dans la lâcheté ».
Derrière des portraits affutés, on devine une observation sur le vif… C’est ainsi que l’on croise un « animal agnostique et célibataire » pris entre « un père laxiste, une mère marxiste, son neveu socialiste, sa tante écologiste et son grand cousin soudain devenu fasciste… » (Qui l’eût cru), une maman une semaine sur deux qui « préfère aller danser et boire en rêvant », alors que toi tu préfèrerais « une maman à l’ancienne… sans envie d’ailleurs… » (Elle te kiffe), une prénommée Carima, dans une maison, seule au milieu des buildings « posée comme un rosier au milieu des chardons » où tu peux venir t’assoir sous le houx et boire le thé… Carima, un refuge, un rêve, comme le furent en d’autres temps une Laurette, ou une Dame de Haute Savoie… Un ado qui fait le point le jour de ses 18 ans – « Eh oui, voilà c’est fait ! » – le « filet de moustache de plus en plus dru », prêt à abandonner son doudou plusieurs fois par an, s’en va déposer son CV au kebab du coin… « Et tant pis pour le rêve de tourner des clips de stars du rap… » (J’ai 18 ans).
On garde pour la fin la reprise, sensiblement ralentie, de Partenaire Particulier, à la recherche de l’idéal féminin, « d’une aventure qui sorte de la banalité », de cette fille qui manque tant ! – Vous vous souvenez n’est-ce pas ? Indochine ? Mais oui ! – ainsi croquée « débloquée, pas trop timide et une bonne dose de savoir faire … » Pas sûr qu’on l’écrive encore ainsi aujourd’hui, cette chanson !
Mais surtout, surtout, on s’arrête un instant sur la mauvaise blague, un très mauvais poisson d’Avril, celui d’un certain Donald qui dans un tweet diffuse un message de paix universelle…
L’été est propice aux résidences… C’est au Train Théâtre à Portes-les- Valence où il sera l’artiste associé pour trois saisons, qu’Alexis HK peaufine en ce moment l’interprétation de ces nouveaux titres avec ses complices, Sébastien Collinet, bien sûr mais aussi le batteur Hibu Corbel et le bassiste Julien Lefèvre. On les retrouvera à la rentrée un peu partout dans l’hexagone, le 25 janvier à L’Olympia.