Char­ly Chan­teur (© Patrice Forsans)

13 février 2020 – Le vrai-faux concert du vrai-faux, Char­ly Mar­ty dit Char­ly Chanteur

Bal­lades splee­né­tiques et poèmes-poubelles

Avec
Char­ly Chan­teur (gui­tare, voix)


Le Bijou (Tou­louse)

Ce ven­dre­di 13 a tenu pro­messe : la poisse qua­si géné­ra­li­sée pour le spec­tacle vivant ! D’annulations en reports, la jour­née tour­nait au marasme, la faute au Coro­na­vi­rus COVID-19… sauf que le Bijou, ave­nue de Muret à Tou­louse est res­té ouvert… Même que l’on a vu des clients atta­blés sur le trot­toir ! A se deman­der si, pour évi­ter le confi­ne­ment, le concert de Char­ly Chan­teur n’allait pas avoir lieu dehors…

De sa part, c’est vrai, on pou­vait s’attendre à tout ! Sur le der­nier off d’Avignon, il avait fait par­ler de lui en fin de jour­née à L’Arrache-Cœur, s’annonçant comme « « chan­teur-gou­rou de la secte du Spleen »… Tra­duc­tion ? Qua­si impos­sible ! Sauf que nous le connais­sions déjà avec sa plume sur la tête, aux côtés de Maxime Ker­za­net et Léo­pol­dine HH, « une sorte d’Alice au pays des mer­veilles qui jamais ne revien­drait de son rêve, qui jamais ne refer­me­rait le livre », dans un décor dont nous disions « C’est un peu comme une chambre d’enfants avant qu’une mère, qui déci­dé­ment ne com­prend rien à rien, ne demande qu’on y mette un peu d’ordre. » Il paraît qu’il sévit aus­si dans un duo nom­mé D E N S E qua­li­fié de « dis­co-punk-sau­vage-ado­les­cent-pop-cha­ton »… Alors, vous com­pren­drez sans doute que l’on se deman­dait bien à quelle sauce on allait, tous, être mangés…

Fran­che­ment il n’a pas démen­ti sa répu­ta­tion de chan­teur fou. Main­te­nant que nous l’avons vu et enten­du, nous pou­vons le mettre aux côtés d’autres fau­teurs de troubles de la Chan­son : Didier Super, Erwan Pinard, David Lafore, Lily Luca, Stef !, Wal­ly, Guillaume Far­ley… Et le point com­mun entre tous ceux là, c’est un indé­niable talent d’acteur. Car il en faut pour gar­der, tout au long du concert, son per­son­nage, ce double, ce frère, ce cou­sin où se glissent inévi­ta­ble­ment les grif­fures, les névroses, les troubles…

Char­ly Chan­teur, c’est un type tout mince, vêtu ce soir d’un ensemble rouge gre­nat, aspect velours, sur une che­mise ivoire ten­dance sioux où pendent des col­liers, plume rouge sur la tête, s’accompagnant à la gui­tare élec­trique. Une longue pré­sen­ta­tion ins­talle le per­son­nage de gars hési­tant, un débu­tant, un fra­gile aus­si, butant sur les mots, ne finis­sant pas ses phrases, ni ses poèmes qu’il pré­fère mettre à la pou­belle. Il s’embrouille, nous embrouille. C’est irré­sis­tible ! Il admet « au début, c’est nul, il y a un temps de chauffe… » Quand il se met à jouer de la gui­tare, on assiste à sa recherche d’accords… la mineur d’abord, parce que « ça marche bien dans la chan­son fran­çaise », sui­vi d’accords « plus com­plexes dont [il] ne connaît pas le nom »… Comme il a dû le faire, au temps de sa pre­mière gui­tare, pour épa­ter les filles du côté de Béziers.

Au bout de ce long pré­am­bule il se lance enfin dans sa pre­mière chan­son La vie, l’a­mour et les voi­tures. Il nous demande d’imaginer cent cin­quante jeunes filles en robe blanche qui lui courent après… Quant à la seconde elle est titrée Mon nom­bril parce que son « prin­ci­pal sujet d’inspiration c’est lui-même » !! Voi­là, le concert est bien par­ti pour être déso­pi­lant, mais pas seule­ment bien sûr. C’est bien enten­du la fonc­tion du rire depuis tou­jours que de nous inter­pe­ler… Ici, vous l’aurez com­pris, il a pour cible cette chan­son qu’il sert, tout en poin­tant du doigt ses tra­vers, ses excès, aus­si bien sur le fond que sur la forme. Un spec­ta­teur aver­ti pour­rait essayer d’en faire le relevé…

Très vite nous deve­nons les par­te­naires de sa douce folie, nous lui fai­sons les chœurs et sui­vons volon­tiers son ima­gi­na­tion débri­dée, ses « Oh ouais », ses sons de trom­pette façon Beatles.… Peu à peu nous com­pre­nons aus­si que ses chan­sons sont ancrées dans l’adolescence… La sienne ? Celle de son per­son­nage ? Allez savoir ! On assiste dans un style RnB, ou « mau­vais rap des années 90 », au bai­ser de Jen­ni­fer sous le regard jaloux d’Anthony R. qui conduit au dilemme : « être un che­va­lier ou avoir les dents cas­sées »… On ren­contre aus­si Amé­lie 6èmeoù le rire se fait grin­çant… On assiste à ce lever du jour dans un même lit, à cette recherche timide, apeu­rée du contact… En rap­pel, il ose une chan­son fran­che­ment polis­sonne, se rap­pro­chant du spec­ta­teur, dans une lumière tamisée…

Mais ces « bal­lades splee­né­tiques », il nous en a aver­tis, sont plu­tôt des chan­sons dépres­sives, ten­dance forte de la chan­son d’aujourd’hui… C’est ain­si qu’il évoque un séjour à Mar­seille pour un spec­tacle musi­cal en légumes ( !) auprès de son ami Olmo – pré­nom qu’il tra­duit « arbre » – et se lance d’une voix caver­neuse avec son micro voco­der, dans l’interprétation d’une « chan­son gra­tuite » Rêve de ratsIl conclut : « cette voix, ces pédales, c’est un effet que j’aime tel­le­ment »… Et bien enten­du, on pense alors à tous ces effets dont use et abuse la chan­son d’aujourd’hui !

Ce concert, par les temps qui courent, c’est sur­tout un temps d’évasion garan­ti, c’est sur­tout des textes et des chan­sons d’un gars « bour­ré… d’amour, empli de câlins… », on peut en être sûr, un gars qui refuse de nous prendre trop au sérieux, de se prendre trop au sérieux avec son spleen…