Pause Guitare Sud de France 2020 (©Christophe Sénégas)
6 avril au 13 avril 2020, épisode 5 du confinement contre le COVID-19
Comme des fenêtres – épisode 5
Avec
musiciens, auteurs, chanteurs, en gras dans le texte
« Oui, être intermittent en ce moment, c’est vertigineux. Oui, être dans le non contrôle et l’accueil d’on ne sait même pas encore quoi, l’inconnu, la nouveauté, ça demande une souplesse du mental. Monter Not On The Road Festival, c’est nourrir le cœur de joie, et c’est ça, notre arme secrète : ne pas être en guerre. » Claire Joseph & Skye organisatrices (duo Pur-Sang) in L’Oreille à l’Envers – 9 avril 2020
A l’inconnu, à l’impossibilité de prévoir quoi que ce soit, « nourrir notre cœur de joie » propose depuis Ermenonville (Oise) le duo Pur-Sang (Claire Joseph & Skye) au moment de s’élancer dans une organisation pour le moins insolite… En quelques jours seulement, voilà que s’apprêtent à collaborer à leur festival d’un genre nouveau, qu’elles nomment Not On The Road, « pas sur la route », des musiciens de chez nous, de Belgique, de Suisse mais aussi d’Alabama, de Louisiane, de Norvège. A peine croyable ! Et pourtant il a eu bel et bien lieu, sur la page FaceBook des artistes et sur celle du festival, pendant le week-end de Pâques, en version acoustique et en direct ! Avec pour la part francophone des noms que nous avons tant aimé retrouver : Nicolas Fraissinet, Francoeur, Céline Ollivier.
Tout sauf être absents, sauf disparaître et ne plus être en contact avec son public. Tout sauf se taire semble dire ce festival en ligne sans frontières, comme chaque jour ces artistes – certains avec une constance exemplaire – qui se mettent en quatre pour pallier à l’interdiction de nous retrouver sur les scènes, les grandes, mais les petites, et les minuscules aussi. Plus de spectacle vivant, un comble pour ceux qui ont fait le choix de consacrer leur vie à cette rencontre, cet échange incomparable !
Alors on invente des noms à ces rendez-vous d’un genre nouveau, on rivalise d’ingéniosité, on invite même ses musiciens, à distance bien sûr ! Et ça donne « Concert en pointillé du matin » à heure fixe, l’homme de l’Est, Eric Frasiak, la « chanson confinée familiale expérimentale » de Guilam avec son fils près de lui, et sa fille au loin… le « petit live d’un Konfine » (Putain koronaminus !) de Bazbaz dans une version assez délirante de J’aime les filles de Jacques Dutronc, Renan Luce et son équipe de tournée dans Du bout du cœur de Barbara (Hum… la flûte traversière à la fin !), les « concerts confits » d’Yves Jamait qui deviennent « bœufs confits » avec ses « trois essentiels », ses musiciens, les « grands petits concerts » de Matthieu Chedid‑M, chaque fois assortis d’une nouvelle intention. Le dernier proposait « Les 13ors de l’homme orchestre » avec des « chansons peu jouées, des raretés, des reprises… ». Disons-le, ces re-créations avec sa voix, son style si particuliers sont des petites merveilles : Bashung, Brel, Souchon, Brigitte Fontaine… Certains sont d’impénitents musiciens-chanteurs-vidéastes comme Hervé Suhubiette à qui il arrive même de se multiplier par trois… Un régal, La petite fugue de Maxime et Catherine Le Forestier, l’Arche de Noé de Nino Ferrer, La lune de Léo Ferré ( un si beau texte le soir d’une pleine lune rose), son histoire d’œuf pour les petits…
Certains, selon leur tempérament, leurs compétences techniques aussi sans doute, leur cadre de vie optent pour le dépouillement, la sobriété, et les rendez-vous n’en sont pas moins émouvants – pensons à la bouleversante Francesca Soleville qui, sur son balcon, a chanté Demande aux femmes (moment sauvé par un témoin) à Marie Sigal, sur le sien, face aux immeubles de son quartier toulousain, à Aurèle Salmon (Vocal cordes) à Nantes… Parfois ces moments nous sont devenus essentiels comme celui de 12h30 avec, depuis l’Ardèche, Florence Vaillant ( Les Flow /Flo Wolf sur FaceBook) quand la voiture veut bien démarrer et l’emmener dans une zone où elle aura du réseau… Elle bavarde en s’adressant aux noms qui défilent sur l’écran de son téléphone, elle fume et fume encore… Puis elle accorde sa guitare et alors, à chaque fois, c’est un coup au cœur !
Pourtant, certains résistent à cette déferlante de chansons sur les réseaux sociaux – plus difficile d’entendre leur voix ! – et s’en tiennent éloignés comme Nicolas Jules, privé de Le Mans pop Festival répondant à un entretien : « En confinement, j’apprends la patience, le dessin, la cuisine… » Mais comme il aime la ville, ses rues, ses cafés – c’est comme ça qu’il écrit- en ce moment, en mal d’urbanité, il n’écrit pas…
« Nourrir notre cœur de joie » c’est aussi ce que propose la superbe affiche du festival Guitare Sud de France 2020 qui ne sait encore rien de ce qui va advenir de son rendez-vous de début juillet… Peut-on croire que l’événement dont certaines dates affichent déjà « complet » sera tout simplement annulé comme tant d’autres déjà ? Comme d’autres grands et surtout petits qui tentent de rester présents, d’être des veilleurs en haut du mât, comme l’a fait Festivillaz au pays Bellocois en limousin… Un montage de vidéos avec les moyens du bord. On y retrouve Patrick Och, Garance, le duo aJ’Ma… Chacun donne un petit bout de soi pour que l’esquif ne sombre pas tout à fait.
Regardez l’envol de papillons, cette invitation à la beauté, à l’espérance et à la tendresse. On pense, bien sûr, à la chanson immortalisée par Bourvil, cette tendresse qui pourrait bien devenir la chanson fétiche, l’hymne des confinés que nous sommes… On se souviendra de la superbe version des 45 musiciens et chanteurs autour de Valentin Vander (plus de 2 233 000 vues sur You Tube !) mais aussi de celle d’Hervé Lapalud et de sa kora, de Barcella, d’Aurèle Salmon sur son balcon, de Dominique Kovacs, des Grands Enfants rejoints pour l’occasion par Sylvain Duthu (Boulevard des Airs)… On en veut de la tendresse car sans elle le temps paraît si long…
« Nourrir notre cœur de joie », c’est aussi, nous le pressentons, l’intention des salles de spectacle qui ne veulent pas être de reste. Bien sûr, on peut citer la prestigieuse Comédie française et ses rendez-vous quotidiens, mais aussi par exemple à Toulouse, la Cave Po qui offrit à Simon Chouf de faire de chez lui un concert, le soir même où il avait son rendez-vous avec le public, le théâtre du Grand Rond qui propose en visioconférence des lectures en direct avec des comédiens qui vivent là un vrai paradoxe. Ils en expriment l’étrangeté et l’émotion. Cent participants peuvent apparaître sur leur écran et peuvent les applaudir… Plus étonnant, le Relais de Poche en Ariège (petit lieu de spectacle, de tartines…et de livres !) propose des vidéos de recettes de cuisine avec en prime l’accent savoureux du chef, Dominique Mourlane. Vous nous en direz des nouvelles de son bœuf bourguignon !
« Nourrir notre cœur de joie », le Printival de Pézenas s’y attelle, dans une version confinée nommée « Printi’plus joli que jamais » ! Voilà une équipe sur le pont pour nous offrir recettes de leur chef Manu, chroniques, dessins des « héliconnés confinés », concerts en partenariat avec France BLEU Hérault. Ils commencent demain mardi à 19 h avec Esther Meyer et Wally dont voici, pour vous rafraîchir la mémoire, le rappel des gestes barrières :
Wally (A) chantant et son double (B) qui survient pour l’interrompre.
A – Mes amis je dois m’en aller…
B – Ben non, tu restes chez toi…
A – Je m’baladais sur l’avenue, le cœur ouvert à l’inconnu, j’avais envie de dire bonjour à n’importe qui…
B – C’est n’importe quoi !
A – Qu’il est loin, qu’il est loin ton chemin papa, c’est vraiment fatiguant d’aller où tu vas…
B – Et bé t’y vas pas !
A – On ira, où tu voudras, quand tu voudras…
B – Totalement inconscient !
Morale de cette histoire :
Information Coronavirus. Pour vous protéger et protéger les autres du coronavirus, adoptez ces gestes simples : n’écoutez pas du Joe Dassin !