Détours de Chant #20– Higelin symphonie novembre 2021 (©Frédéric Schadoroff)

Détours de Chant #20– Hige­lin sym­pho­nie novembre 2021 (©Fré­dé­ric Schadoroff)

23 & 24 novembre 2021, report de dates du Fes­ti­val Détours de Chant #20

Hige­lin Sym­pho­nie, Hige­lin flam­boyant 

Avec

L’Orchestre Sym­pho­nique de l’Ecole de Musique de Tour­ne­feuille diri­gé par Claude Puysségur

Her­vé Suhu­biette (ini­tia­teur et coor­di­na­teur du pro­jet, arran­geur et… chan­teur !) Chloé Lacan, Aïda San­chez Thi­baud Defever 


Le Phare– Tour­ne­feuille (Haute Garonne)

Ce concert entre dans la longue cohorte des évé­ne­ments qui ont eu à pâtir des annu­la­tions, reports suc­ces­sifs… Et disons tout net qu’il aurait été vrai­ment regret­table qu’il ne ren­contre pas son public… Enfin !

Nous avons fini par avoir le pri­vi­lège de décou­vrir Jacques Hige­lin comme jamais nous ne l’avions ima­gi­né. « Hige­lin fan­tasque, Hige­lin rebelle, Hige­lin flam­boyant » annon­çait le pro­gramme du 20ème fes­ti­val Détours de ChantHer­vé Suhu­biette, grand ordon­na­teur de concerts plus éton­nants les uns que les autres, tou­jours tour­né vers la créa­tion par­ta­gée, col­lec­tive, tou­jours prêt à réunir ama­teurs et pro­fes­sion­nels, convoque cette fois l’orchestre sym­pho­nique de l’école de musique de Tour­ne­feuille diri­gé par Claude Puys­sé­gur– Qua­rante-cinq musi­ciens, excu­sez du peu ! – et trois de ses amis artistes chan­teurs, tous musi­ciens bien sûr, Chloé Lacan, Aïda San­chez et Thi­baud Defe­ver. On n’ose seule­ment ima­gi­ner l’ampleur de la tâche : choi­sir les chan­sons, ima­gi­ner une dra­ma­tur­gie, écrire les arran­ge­ments, les par­ti­tions de chaque pupitre, répé­ter dans une période où se réunir appar­te­nait à un rêve… et fina­le­ment voir son pro­jet se dépla­cer dans une nou­velle salle (le spec­tacle avait été pen­sé ini­tia­le­ment pour L’Escale de Tournefeuille)…

Et pour­tant, pour­tant, le résul­tat est féérique…

Allez, on vous y emmène…

Bien sûr avant même que le concert ne com­mence, on pense fort à Jack, comme il aimait à se nom­mer lui-même. On pense à ce concert, Hige­lin sym­pho­nique du 24 octobre 2015 à la Phil­har­mo­nie de Paris où il ne par­ve­nait plus à s’arracher à la scène. Et c’est avec cette pen­sée en tête que nous voyons Her­vé Suhu­biette s’installer sur les quelques marches en front de scène pour nous racon­ter com­ment, dans sa chambre d’adolescent, sur trois accords d’une gui­tare ache­tée tout exprès, il avait décou­vert le bon­heur d’interpréter une chan­son, une chan­son de Jacques Hige­lin pré­ci­sé­ment ! Il mime les trois accords et c’est alors que Thi­baud Defe­ver prend le relais avec le talent de gui­ta­riste qu’on lui connaît, accom­pa­gné par les chœurs de ses trois par­te­naires… Le texte rejoint les grandes pré­oc­cu­pa­tions exis­ten­tielles de la poé­sie d’Higelin « J’suis qu’un grain de pous­sière /​Un grain de poussière,/ Qui erre a la lisière /​De l’en­fer et du ciel /​Un ange gar­dien du néant /​Un grain de pous­sière /​Infi­ni­ment petit ou grand.. » Peut-on ima­gi­ner plus belle ouver­ture, au sens sym­pho­nique du mot ?

Bien sûr on ne pour­ra pas tout vous décrire, mais à la deuxième chan­son, Coup de lune, on savoure déjà la richesse, l’éclectisme des thèmes d’inspiration de Hige­lin en même temps que l’interprétation qui nous en est offerte… Quel délice ce bal­let de la secte des insectes « Élé­gantes aspho­dèles, agi­tez le bout de vos ailes /​Grillons en smo­king, garez vos coc­ci­nelles au par­king /​Tin­tin­na­bu­lantes taren­tules qui déam­bu­lez dans mon vestibule,/ Ser­rez les rotules, ça va com­men­cer… » sui­vi d’un moment d’échange entre le pre­mier vio­lon et Aïda qui se met à dan­ser pour une invi­ta­tion à l’amour, celle de Chambre sous les toits, « C’est un soir où les fleurs du mal s’ouvrent et se pavanent /​Dans la chambre noire des peines de cœur… »

Cha­cun, cha­cune à tour de rôle dira com­ment se fit sa ren­contre avec Hige­lin… Chloé évoque l’île ché­rie, la Corse, Cal­vi, Le Fes­ti­val du vent où elle par­ta­gea une tisane en par­lant poé­sie… Thi­baud, lui, l’associe d’emblée à son grand frère, quant à Aïda la ren­contre est plu­tôt « rigo­lote »… Elle se fait chez lui, dans son salon un jour d’anniversaire où elle se retrouve for­tui­te­ment invi­tée… Elle ose se mettre à son magni­fique pia­no !! La suite ? Elle nous l’offre en chan­son avec Denise : « Tu as tout ce que tu veux /​Mais comme tu veux ce que t’as pas /​Tu sais même pas ce que t’as /​Et c’est pour ça que tu m’en veux… Denise, je sens que je vais piquer une crise… »

Bien enten­du nous atten­dions quelques grands clas­siques. Leurs re-créa­tions ont été, chaque fois, une sur­prise jubi­la­toire : le célèbre Tête en l’air où l’orchestre a don­né toute sa mesure jaz­zis­tique, l’occasion pour le public de reprendre « Y a des allu­mettes au fond de tes yeux /​Des pia­nos à queue dans la boîte aux lettres… » le duo Thi­baud /​Chloé dans Cet enfant que je t’avais fait, la voix de Chloé – un vrai soleil ! – et l’accompagnement du piz­zi­ca­to des cordes dans la trop émou­vante chan­son, Bal­lade pour Izia … Et enfin le très atten­du Cham­pagne, l’occasion pour l’orchestre de nous offrir un début de la Danse macabre de Camille Saint-Saens… Car on ne vous a pas suf­fi­sam­ment dit la dimen­sion que prennent les chan­sons avec un tel accom­pa­gne­ment sym­pho­nique… On gar­de­ra en mémoire la séquence opé­ra­tique – cette fois c’est Giu­seppe Ver­di et La Tra­via­ta qui sont convo­qués par l’orchestre – où Chloé se change, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, en can­ta­trice exal­tée, dans un spec­ta­cu­laire duo avec Her­vé pour L’attentat à la pudeur… « Gestes obs­cènes qui m’ob­sèdent /​Je résiste/​Ah ! je cède /​Mon­tée brû­lante de ma sève /​Non pas encore, retiens-toi /​Ah ! j’en­tends des pas /​Dans le cou­loir /Cache-toi vite dans le pla­card… » Ima­gi­nez seule­ment ce moment… !

On savou­re­ra enfin, l’hommage à Anne Syl­vestre avec la reprise de sa chan­son Comme Hige­lin « Mais comme Hige­lin, comme les copains /​Je me deman­de­rai tou­jours, com­ment faire les chan­sons d’a­mour… » ain­si que le final La bal­lade de chez Tao où tout l’orchestre chanteOn ne sau­rait trou­ver mieux que ces mots :

Vivez heu­reux aujourd’hui

Demain il sera trop tard