Croquis de Clara Sanchez  - Erwan Pinard - Comme Ça Nous Chante ! Festival #7– novembre 2021 (©Clara Sanchez)

Cro­quis –  Erwan Pinard – Comme Ça Nous Chante ! Fes­ti­val #7– novembre 2021 (©Cla­ra San­chez)

20 & 21 novembre 2021 au Café Plùm

Comme Ça Nous Chante ! Fes­ti­val #7

Avec

Nour (pia­no, uku­lé­lé) en duo avec Automne Lajeat (vio­lon­celle)

Erwan Pinard (textes, musiques, gui­tare, trom­pette, chant) en trio avec les frères Auber­non, Jérôme (gui­tares et vio­lons élec­triques, chant, thé­ré­mine) et Lio­nel (bat­te­rie, cla­viers) 

Kora­fo­land avec Her­vé Lapa­lud & Dra­mane Dembele


Le café Plùm – Lau­trec (Tarn)

L’ouverture d’une troi­sième salve de ren­dez-vous avait pour simple voca­tion de diver­tir, de s’amuser… On vou­dra bien nous par­don­ner de ne pas avoir assis­té à ce « Blind test Chan­son fran­çaise » pour la simple rai­son qu’un autre spec­tacle – de danse contem­po­raine celui-là –nous atten­dait à une ving­taine de minutes de Lau­trec. Mais confes­sons aus­si que bra­ver la pres­sion des 40 secondes pour iden­ti­fier un titre dépasse nos capa­ci­tés… Vous êtes déçus, on le devine, mais c’est pour­tant vrai !

Sou­li­gnons que cette com­pé­ti­tion a le pou­voir de nous rap­pe­ler com­bien la Chan­son habite nos mémoires col­lec­tives… Nous le véri­fie­rons encore le len­de­main midi.

En atten­dant, venons-en aux concerts de cette troi­sième journée.

Nour est une chan­teuse élé­gante et racée, de celles que l’on bap­tise volon­tiers du mot de « diva ». Elle se plante, joyeuse, devant la scène, accom­pa­gnant son chant a capel­la de per­cus­sions cor­po­relles… Avouons que nous pen­sons, à cet ins­tant là, à Amé­lie-les –crayons… Elle s’installe au pia­no, sou­te­nue par la pré­sence com­plice d’Automne Ajeat au vio­lon­celle. Elle « jazze » volon­tiers tout comme sa voix qui s’élève avec force éner­gie « Et c’est bien moi qui tiens la chan­delle que je brûle par les deux bouts… » Elle invite volon­tiers le public à la suivre quand elle en revient à cette chan­son jazz par laquelle elle a com­men­cé dans les bars punk de Genève. L’album dont elle pré­pare la sor­tie se nomme « L’élégance Des Mots Crus » et c’est sans doute dans ce titre que l’on pour­ra trou­ver une piste pour peu que l’on veuille décryp­ter le sens de sa créa­tion de chan­sons… En fait, elle sur­prend, étonne, n’est jamais vrai­ment où on l’attend comme lorsqu’elle s’aventure à par­ler de chan­son enga­gée en com­men­çant par la comp­tine Pirouette caca­huète… Elle inter­pelle alors volon­tiers le public, blague, mais bien enten­du on com­prend très vite que ce n’est qu’une parade, une façade comme lorsqu’elle chante « sale temps pour les poètes » ou qu’elle dévoile un titre du pro­chain album « Pour­tant qu’il est bon de voir la lumière qui revient… bien plus belle après l’orage.. » A vrai dire on a, tout au long du concert, cher­ché à com­prendre la finesse de l’écriture, l’intention… et l’on s’est mal­heu­reu­se­ment éga­ré en chemin.

C’est l’inénarrable Erwan Pinard qui vient ensuite en for­ma­tion rock. Nous avons déjà dit com­bien nous aimions ce chan­teur qui bous­cule, tou­jours prêt à bro­car­der nos inco­hé­rences, nos vides, avec un humour vache inimi­table et qui, sous cette cara­pace, révèle une quête inas­sou­vie d’amour. Lui-même dit qu’il fait « des chan­sons pié­gées. Il y a sou­vent une couche de gras qui dis­si­mule un mor­ceau de ten­dresse. Ou l’inverse : on part sur une chan­son tendre et on tombe sur une salo­pe­rie » (Rocken­blog du 5 octobre 2020).

Disons tout net que, dès la pre­mière chan­son, il a empor­té l’adhésion du public et les deux musi­ciens qui l’accompagnent n’y sont pas pour rien. Quel talent chez ces deux fran­gins, Jérôme le gui­ta­riste, capable par-des­sus le mar­ché de riva­li­ser avec Erwan du côté de l’humour, et Lio­nel le bat­teur. Leur rock a fait vibrer les murs du café Plùm. Au pas­sage, saluons le talent du tech­ni­cien au son ! Et le tout sans jamais oublier la joie d’être en scène, l’espièglerie, les anec­dotes inso­lites comme ces funé­railles de ton­ton Jacques en visio-confé­rence… « Quelque chose de fran­che­ment désincarné »…

Quand Erwan s’empare de la trom­pette, l’émotion est aux aguets… « Par delà les silences il y a des arbres à refleu­rir… » Ce concert de près de deux heures nous a tous lit­té­ra­le­ment empor­tés, ravis, et par-des­sus ce rock qui donne à tout oublier des rudesses du temps qui court, par-des­sus la voix d’Erwan capable de toutes les into­na­tions, le texte comble nos exi­gences, comme avec ces mots « Il faut bien que quelque chose change, et les sai­sons font ça très bien. »

Au der­nier jour nous étions encore sous l’effet élec­trique du concert d’Erwan Pinard quand, à midi, nous nous sommes réunis pour la « can­tine enchan­tée » où s’activent per­ma­nents et béné­voles. Sur scène ont défi­lé des musi­ciens pro­fes­sion­nels et ama­teurs dans une scène ouverte éclec­tique qui en dit long sur la Chan­son et sur sa capa­ci­té à nous réunir dans un par­tage inter­gé­né­ra­tion­nel autour de quelques titres du patri­moine. Ils s’appellent Marie, Loïc, Claire, Julien, Coren­tin, Tom­my, Jade, Cla­ra… Ils chantent la belle mazur­ka La non­cha­lanteLa Chan­son de Pré­vert, Aline… et même, sur­prise très réus­sie, Gérard de Nerval…

A 17h30 s’accomplissait enfin le der­nier ren­dez-vous autour d’Her­vé Lapa­lud et Dra­mane Dem­bele, autour de leurs koras, flûtes, san­zas… bref, autour de sons afri­cains. Il s’agit là d’une ren­contre, d’un par­tage hors fron­tières, d’une fusion entre un petit blanc tom­bé en amour pour Oua­ga­dou­gou, pour la culture et le peuple du Bur­ki­na Faso, un musi­cien noir poly ins­tru­men­tiste et le « petit peuple » du Tarn, ain­si que nous nomme Hervé.

Dra­mane arrive du fond de la salle, par­lant dans sa flûte… Tout habillé d’un camaïeu de beiges oran­gés, ses petites nattes dres­sées sur la tête, il rejoint Her­vé vêtu de rouge et de vert, le regard pétillant de joie et de malice der­rière ses lunettes rondes. Et c’est par­ti pour ce voyage à cali­four­chon sur des chan­sons qui nous sont fami­lières mais qui sou­dai­ne­ment s’habillent de nou­velles cou­leurs… Elles nous rap­pellent le prix de la ren­contre, cet ins­tant éphé­mère « sur la pointe des mots où l’on s’apprivoise », la beau­té du corps de la femme aimée, notre venue nu.e sur la terre, et nous la chan­tons même ensemble. Elles nous invitent à écrire « sans cesse… sans reprendre [notre]souffle… » à mar­cher au gré des vents, à ne pas craindre l’inconnu, à se don­ner la note, à suivre le ven­deur d’eau de Bobo-Diou­las­so … Dra­mane y mêle son chant dans sa langue ori­gi­nelle, s’empare d’instruments qui parlent cha­cun leur langue, la flûte peule, les koras bien sûr – le « kora­fo­la » est celui qui fait par­ler la kora – ce tama, tout petit tam­bour jus­te­ment nom­mé « Tal­king drum » qu’il coince sous son ais­selle gauche et frappe d’un maillet. Her­vé ajoute à ses chan­sons des lettres, l’une du matin même adres­sée à Oua­ga­dou­gou, l’autre à notre enne­mi, « La peur », pro­lon­geant ain­si les par­tages à dis­tance qu’il nous offrait pen­dant le confi­ne­ment. Et c’est avec une ver­sion inat­ten­due de La non demande en mariage du « papa Georges » – retour aux sources !- qu’il ter­mine ce voyage « quelque part sous la lune ».

Nous met­tons un temps fou à faire nos adieux, à quit­ter ce lieu, ce café Plùm, cet abri, ce refuge, mais le cœur est com­blé de ces bonnes et belles éner­gies grap­pillées pen­dant quatre jours à la Chanson.