Festi’Scrib, VASLO, Grotte de Lombrives, juin 2022 (©Pierre Mahier)
3, 4, 5 juin 2022, VASLO en trio pour le Festi’Scrib, Festival d’écriture animée, organisé par l’association La Voix du Scribe,
« Vois comme c’est précieux »
Avec,
VASLO /Valentin Gilbert (textes, musique, chant, guitare, clarinette), Martina Rodriguez (violoncelle), Pierre Mahier (batterie, percussions, chœurs)
La Grande Famille à Pinsaguel (31) – Banat /Tarascon-sur-Ariège – Grottes de Lombrives (Ariège)
Il était une fois Valentin, un gentil p’tit gars qui ne voulait pas faire de vagues, surtout pas de vagues… « A défaut d’rebondir /Je savais m’écraser /J’étais grand comme une tige /Mais j’faisais que d’plier »…
Voilà, c’était bien parti pour gagner à tous les coups, pour duper son monde. Et puis non ! Un jour il a cessé de creuser le sable pour y faire son trou. Il a retrouvé Ginette – Ginette, c’est sa clarinette – il a compris qu’il marchait sur les traces d’un autre que lui, qu’il allait falloir effacer ces traces là et risquer ses tout premiers pas. Et tant pis s’il se perd !… C’est comme ça que naquit Vaslo.
Cette histoire, ces mots que vous venez de lire, vous les trouverez aujourd’hui dans son recueil, A travers mon regard, publié chez Vox Scriba, dans le cadre du Prix Georges Moustaki 2021 qu’il a remporté, enthousiasmant pareillement public et jury… Un petit livre blanc illustré de dessins où un bonhomme stylisé d’un trait d’encre affronte le monde d’aujourd’hui… Ces mots vous les entendez aussi, bien sûr, dans ses concerts et ‑chose rare- nous venons de les entendre dans trois lieux, trois soirs de suite dans le cadre du Festi’Scrib organisé en Ariège, dans un petit coin de campagne, rattaché à Tarascon-sur- Ariège.
Vaslo, c’est plus qu’un concert. C’est une descente au fond du fond des émotions, des sensations que procure le spectacle vivant. Il n’est pas surprenant que, de concours en tremplin, les jurys s’y laissent prendre : Carrefour de la Chanson 2018, Rencontres Matthieu-Côte 2021, Coup de cœur de l’Académie Charles Cros 2022 pour son album A travers les regards, Premier Prix du Mans Pop Festival 2022… Mais Vaslo c’est aussi un engagement de citoyen-artiste auprès des enfants malades de l’hôpital Necker à Paris. C’est aussi la composition d’une chanson pour accompagner le documentaire de France Télévisions Revivre en chansons, célébrant l’étonnant festival Chalabre en sérénade, des chansons d’amour aux balcons de la petite bourgade de l’Aude… Ce titre, Cette chanson vous appartient, que nous entendons en fin de concert, figurera dans le prochain mini album à paraître en 2023…
Vaslo c’est une voix qui vous emporte comme peuvent le faire les chants sacrés. C’est un corps longiligne, félin, au bord de la danse. C’est sa clarinette, le prolongement de ses mots quand ils ne suffisent plus. Vaslo, c’est aussi Pierre Mahier à la batterie, aux percussions et aux chœurs, une présence jubilatoire, délicate et sensible. C’est Martina Rodriguez au violoncelle, qui scande, ponctue, amplifie, un archet parfois emporté par la passion que lui inspire le texte. C’est fascinant de regarder ces deux instrumentistes en osmose avec le chanteur.
Les chansons de Vaslo sont le récit d’une renaissance qui nous concerne tous, peu ou prou, quand « Le temps s’étire et se délite » et qu’une voix nous souffle à l’oreille : « Réveille – toi, ouvre les yeux /Vois comme c’est précieux… » Un objectif : ne pas rejoindre la cohorte des « âmes grises », des « invisibles », des « intouchables ».. Et parfois, c’est sûr, le combat est rude « dans le tumulte du monde », comme on l’entend avec la clarinette, la batterie et le violoncelle réunis nous guidant au front, en première ligne, « Casser pour tout recommencer… pour to ut réinventer… » Car tout est abîmé, nous le savons bien, « les hommes transgressent /Les lois de la terre et de l’azur » et les princesses, comme celle que vit un jour la mère de Valentin en Irlande, tournent le dos à la mer. Il est si dur d’aimer et d’être aimé… « Il m’est très dur de t’aimer /J’ai bien trop peur de t’étouffer… » Alors que peut-il bien nous rester ? Il nous reste à chanter « Pour que s’accordent toutes nos voix », pour que se relient nos vies dispersées… Il nous reste la chanson, qu’elle soit inspirée par l’Opéra – par deux fois Vaslo s’en empare – ou par la poésie de Jacques Prévert – merveilleuse relecture instrumentale de Je suis comme je suis. C’est que pour Vaslo la chanson est « Un rempart à la brume /Une lumière face au chaos… » Est-il plus belle déclaration d’amour à ce qui nous a rassemblés pendant trois jours ?
Ce que nous avons partagé est de l’ordre du céleste et tant pis pour les mécréants que nous sommes ! Nous l’avons perçu, senti quand nous avons fermé les yeux pour écouter et vivre cette expérience sensorielle du lit de fer forgé sur la plage… Et les larmes nous sont venues déjà, le premier soir, au café culturel La Grande Famille… Et que dire de l’immersion dans une autre dimension, un autre temps, un lieu où tout de ce qui fait nos vies ordinaires s’efface, je veux parler de la « cathédrale » de la grotte de Lombrives ? Immense voûte de pierre où les sons de notre présence résonnent peut-être encore, qui sait ? Quant à la soirée dans la salle des fêtes de Banat, c’est de partages qu’elle nous parlait avec deux autres groupes locaux. Zigues en Zag invitaient à la danse, de reggae en zouk, faisaient un détour par l’enfance, le chanteur, professeur des écoles de son état, n’y étant pas pour rien sans doute… Le duo Marnamaï nous rappelait nos mots : « David, auteur-compositeur chanteur, un grand gars, au visage bruni des rivages de la Méditerranée offre des textes percutants, d’une voix profonde qui n’est pas sans rappeler celle de Bernard Lavilliers. On le sent déterminé à ne pas faire dans la bluette, même à contre-courant : « Je chante à contretemps /Je ne peux faire autrement ».
Et tout ce monde là, vous le devinez, n’a pas manqué de chanter, danser, trinquer, fêter la vie en somme surtout lorsque, pour conclure, le duo De Grands enfants, amis fidèles à ces lieux et à cette équipe, est venu offrir son incroyable talent de faiseurs de joies ! Une parenthèse que Vaslo pourra ajouter aux pages de son recueil : son petit bonhomme aura peut-être cessé de se heurter aux vents contraires, enfin réchauffé à tous ces sourires, ces bras tendus, à tout cet amour…
Le vent de face sur mon île de douceur
Les vagues se cassent en chassant la douleur
Le pied à terre sur ma rive intérieure
Je danse, oui je danse
Extrait de Phare de terre, A travers mon regard (Vox Scriba, collection Prix Georges Moustaki, 2022)