17 mars 2016 – La tête dans le sac
conte musical, d’après le livre éponyme de Marjorie Pourchet, auteure/illustratrice (éditions du Rouergue, mars 2004)
Textes chansons, musique, orchestration, mise en scène : Hervé Suhubiette avec La Lauzeta, chœur d’enfants de Toulouse (direction Laetitia Toulouse). Chœur des enfants du conservatoire Pau- Pyrénées (direction Pascale Verdier). Hervé Suhubiette : récitant. Musiciens de l’OPPB (Orchestre de Pau Pays de Béarn)
Auditorium Saint-Pierre des Cuisines (Toulouse)
« C’est l’histoire d’Adèle, une jeune femme qui souffre d’une timidité maladive. Elle est si timide qu’elle met la tête dans son sac à main, un peu comme les autruches qui mettent la tête dans le sable pour se protéger. C’est une histoire sur la timidité, le regard des autres, la confiance qu’on a en soi ou pas. Il y a un peu de loufoque aussi puisqu’elle travaille dans une usine de canards en plastique… ce qui m’a permis d’écrire un petit concerto pour orchestre et canards en plastique, probablement une première du genre ! Donc beaucoup d’humour mais également de sensibilité parce qu’à un moment, il y a une faille, elle ressent une grande solitude et se met à pleurer dans son sac. Il se passe alors un événement extraordinaire qu’il faut découvrir sur scène en venant voir le spectacle. Elle va faire quelque chose de sa timidité pour la dépasser, aller vers les autres, voir leurs sourires, échanger et entrer en relation pour trouver sa place parmi eux. La fin du spectacle est très émouvante et les voix d’enfants lui donnent une dimension émotionnelle supplémentaire. Cette histoire s’adresse aussi bien aux petits qu’aux grands et peut toucher toutes les tranches d’âge. »
Hervé Suhubiette est de ces artistes qui vivent au gré de leurs rencontres et de leurs rêves profonds. Insatiable musicien, auteur prolifique, il va où l’entraîne sa passion pour le spectacle vivant, pour tous les publics. On dit de lui qu’il a une idée à la minute. On observe, dès qu’on a la chance de l’approcher d’un peu plus près, que cette créativité luxuriante s’accompagne aussi d’une exigence et d’une rigueur à la mesure de ses ambitions. Alors forcément lorsqu’il réunit pas moins de quarante-sept jeunes choristes, huit musiciens autour d’une histoire dont il crée l’adaptation, les chansons, les musiques, les orchestrations et la mise en scène — excusez du peu ! — et dont il est le narrateur en scène, on s’apprête à vivre un grand moment. Même si le vaste lieu de pierre et ses hautes voûtes n’a pas toutes les ressources techniques pour offrir la création lumières, on est comblé. Coups de cœur !
C’est d’abord un coup de cœur pour une histoire. Celle de Marjorie Pourchet qui sera justement honorée à la fin de la soirée. Une histoire où les âmes adolescentes peuvent aisément se retrouver… celle d’une fille « timide à pâlir, timide à rougir, timide à préférer s’enfuir » et qui ne trouve rien de mieux pour fuir les regards que de mettre la tête dans son sac. Il devient « sa chambre secrète, sa tanière, son refuge ». Quand elle en sort, c’est pour vivre l’usine où elle a pour mission d’éliminer les canards en plastique qui ne tintent pas juste, au diapason. Elles sauvent les fa dièse ou les mi bémol. Elle rencontre ses voisins, Éléonore, celle qui porte ses vêtements à l’envers pour que l’on ne parle pas dans son dos et Philémon celui qui marche sur les mains pour ne pas se prendre la tête ! Mais celui qu’elle aime par-dessus tout, c’est le vent. Bon, vous l’aurez compris, c’est un monde fantasque, foutraque, où il est bon d’entrer avec son cœur d’enfant, son âme de poète qu’il faut alors de toute urgence réveiller.
L’histoire finit bien. On ne vous dit pas tout, mais Adèle quitte son refuge, et découvre enfin que « les autres c’est tout un monde et autant de jardins »…
Ce spectacle c’est aussi un coup de cœur ou plutôt de chœurs, de ces deux chœurs d’enfants, d’adolescents plus exactement, de Toulouse et de Pau réunis. Dirigés pourtant depuis le côté jardin où se trouvent les musiciens, ils donnent à entendre des voix assemblées avec force et justesse sur des textes percutants, joyeux, simples et émouvants. Des chansons qui pourraient tout aussi bien faire l’objet d’un nouveau livre disque comme les crée régulièrement Hervé Suhubiette. Sous sa direction les choristes jouent tout autant de leurs corps, des mouvements de leurs bras, de leurs déplacements chorégraphiés. Quelques accessoires, les foulards qui circulent — rouges au début, verts à la fin — le grand sac rouge, les canards en plastique et leur « coincoin », les éventails rouges sont autant de prétextes à donner du sens, de la fantaisie et de la beauté.
Coup de cœur enfin pour la musique, interprétée par huit instruments de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn, dont Hervé Suhubiette est l’artiste associé. Les percussions, cuivres et cordes racontent aussi leur histoire, la ponctuent, la soulignent, la rythment. On aime les ambiances ainsi créées, le clin d’œil à West Side Story pour la première chanson, la basse électrique et la batterie pour le travail à l’usine, le trio clarinette- trompette-trombone qui s’en vient palabrer, la basse électrique quand tout part à la dérive dans le sac d’Adèle… Car son histoire se joue là aussi.
Le spectacle joué trois fois à Pau, maintenant à Toulouse, mérite une plus large exposition tant il réunit de qualités. La dimension culturelle et éducative n’est pas la moindre. On devine l’onde de choc dans le ressenti des jeunes choristes et de leur famille, mais aussi dans leur environnement. C’est autant de gagné pour le spectacle vivant, pour la musique, pour la chanson.
Bientôt nous vous parlerons à nouveau d’Hervé Suhubiette dans un tout autre registre, dans l’univers de Brigitte fontaine cette fois, avec claviers, violoncelle, saxophone, percussions… À tous vents ! On vous a prévenus !