Laurent Viel, L’Homme Femme, 2022 (© Claude Fèvre)
16 juillet 2022 – L’Homme Femme
Vous raconter mes rêves…
Album 14 titres, format double vinyle et CD de Laurent Viel, sur toutes les plateformes depuis le 27 mai 2022
Avec
Laurent Viel (chant)
À ses côtés pour les textes, Philippe Besson, Alain Nitchaeff, Pascal Mathieu, Bertrand Soulier, Xavier Lacouture, Michel Hahn, Baltazar … et même Marcel Proust.
Pour les musiques, Romain Didier, Barbara & Roland Romanelli, Thierry Garcia (guitares) Yann Cortella (claviers, synth. bass, nasse, contrebasse, percussions, programmations)
Philippe Devret (basse, contrebasse), Tom Saouz (claviers additionnels) Jérémie L’homme (piano), Thierry Farrugia (saxophone), Sylvain Savreux (guitare 12 cordes) et les voix de Enzo-Enzo, Laurent Stocker, sociétaire de la Comédie Française, Mimifé, Marcelle Gaonach
« Faire l’amour pour de vrai et verser de vraies larmes. M’endormir contre vous en étant vraiment là, vous raconter mes rêves et que ça aille de soi […] Longtemps j’ai cheminé, me voici seul et nu… »
Ces mots sont ceux du chevalier d’Eon, alias Charles de Beaumont, extraits de la dernière chanson du spectacle Viel chante d’Eon dit… le chevalier. Ce sont les mots d’un homme parvenu au terme d’une vie à la recherche de la gloire, de l’argent, des honneurs… « Allant de fleur en fleur, je voulais le pollen, tout ne fut que rosée, que pauvres chrysanthèmes… » Un moment d’ultime vérité où « l’homme femme » se dépouille de sa carapace… Il faut avoir vu Laurent Viel dans cet instant où son talent de comédien et de chanteur est à son apogée… On choisira d’y associer le blanc de l’album où, dans le livret, se détachent le rouge des coquelicots peints par Martine Laboureur en vis-à-vis des délicieux portraits de l’enfant blond, et celui de la chaussure scintillante en contrepoint du nounours de l’enfance. Ah ! Le langage de l’image où demeure un sourire toujours aussi vrai et radieux !
L’objet est donc une invitation chaleureuse à découvrir des chansons qui ont jalonné toute une vie d’artiste, habillées de l’électro pop de Yann Cortella. Nous sommes transportés dans une palette d’émotions, de l’envie de danser au recueillement, à la tendresse, à la réflexion sur des questions existentielles… Oui, n’ayons pas peur des mots, cet album est une somme, comme le bilan d’un être humain parvenu au mitan de sa vie.
On y retrouve l’artiste et l’homme que nous connaissons, les deux étant difficilement dissociables. L’artiste aime le partage, les collaborations et cet album en est nourri, de l’écrivain Philippe Besson au sociétaire de la Comédie Française, Laurent Stocker, en passant par ses complices, Romain Didier, Xavier Lacouture, Enzo-Enzo… L’homme garde un pied dans l’enfance qui a décidé de ses rêves, de ses choix. Il admire et aime profondément les femmes. A son tour d’offrir un pendant à la célèbre chanson des deux Jacques, Lanzmann et Dutronc… Oui, dit à son tour Laurent, j’aime les filles « C’est charmant, subtil, tendre et violent »… Il les aime et parfois leur voue un amour inaliénable, au point de s’adresser à Barbara, « mon beau, mon bel oiseau en velours de lumière », mots mêlés à ceux de Baltazar, sur une musique inédite qu’elle avait composée avec Roland Romanelli… ou – plus surprenant, vous en conviendrez – à Sylvie Vartan, « la plus belle de [ses] fiancées », lui écrit Xavier Lacouture à la plume rusée, poursuivant « Et vous évincez toutes celles que je n’ai pas aimées… » On vous l’a dit, Laurent Viel se met à nu dans cet album.
C’est pourquoi on y découvre aussi sa compassion pour l’être humain qui tangue, cherche sa voie, se trompe, se relève…ou pas… Monsieur et celui qui le conduit d’usine en usine dans sa limousine, deux vies si différentes, mais indéfectiblement liées… Le pianiste de bar qui égrène, au fil des compositions qu’il interprète, les destinées de son public, « femmes méchantes, maris infidèles, acteurs fatigués, ex-chanteuses de karaoké, vieilles salopes »… Celle qui passe l’aspirateur, « aspire son bonheur en poussière » et regarde tourner dans la machine à laver tee-shirts et jean de celui qui ne reviendra pas, « mort au chant du tambour »… Celle qui en appelle à la justice, supplie que l’on fasse quelque chose pour la délivrer du corps d’homme dans lequel elle est enfermée. « J’écope de la peine maximum, je n’ai rien fait pour mériter ça… »… Celui qui se donne le temps de voir arriver la mort auprès de l’être qu’il aime « Le dernier sourire sera le tien, et la mer sera calme encore, le ciel orangé. Ce sera bien. »
On l’a compris, bien sûr, Laurent Viel accorde une place singulière aux questions identitaires et sociétales qui en découlent, comme le dit le titre éponyme emprunté à son spectacle sur le chevalier d’Eon, mais plus avant, cet extrait de Chacun sa famille, Ventre Z, le texte de Pascal Mathieu rappelant au passage « les cortèges… les crucifix, les vilains coups de bec, bêtise sans remède ».
Enfin, il sait aussi s’accorder profondément avec des textes d’apaisement, de temps suspendu, comme celui qu’il emprunte à Marcel Proust décrivant la lente destinée d’une goutte de pluie « [s’attardant] à jouer sur les nervures d’une feuille »… et surtout comme cette chanson apaisée sur laquelle il nous laisse en clôture de cet album avec la magnifique envolée du saxophone de Thierry Farrugia.
« Mon amour, que c’est bon mon amour… »