Louis-Noël Bobey (© droits réservés)

Louis-Noël Bobey (© droits réservés)

27 mars 2015 – Concert de Louis-Noël Bobey 

Café asso­cia­tif Chez ta mère (Tou­louse)

Le lieu Chan­son tou­lou­sain – celui qui grimpe, qui grimpe… – ne pou­vait bien long­temps igno­rer ce petit gars venu du Jura, mais plus sûre­ment tom­bé, sans crier gare, d’une autre galaxie. Bien enten­du, on lui trouve aisé­ment des grands frères ou des copains en la matière, un Jérôme Pinel, celui de Strange Enquête, un Lan­toine, un Cou­té pour le patois, savou­reuse langue de chez nous, d’où que nous soyons dans notre hexa­gone, et de bien plus loin puisqu’il nous fait faire aus­si un détour par Mont­réal (il arbore un tee-shirt estam­pillé Québec) !

Un Nou­ga­ro tiens ! Mais oui, mais c’est bien sûr… Cette façon de tri­co­ter les rimes, les asso­nances, de jon­gler avec les mots pour s’en faire des col­liers, cet art de la scan­sion, de la ryth­mique, cet art de la parole qui pour­rait lui avoir fait écrire : « Je tri­cote à la laine des vers des chan­dails /​Pour vous, mes nigauds (l’Ivre d’images) ». Oui, pour nous, spec­ta­teurs ! Car ce Louis-Noël Bobey n’est pas vrai­ment « en scène », il ne sait pas vrai­ment faire avec micro, bran­che­ment, éclai­rages… Tout ça c’est pour vous faire oublier l’essentiel : la ren­contre, le par­tage, yeux dans les yeux. Alors il des­cend de scène, vient au bord, tout près, dès qu’il s’agit de sla­mer ses textes, en rafale de mots, d’émotions. D’ailleurs on aime­rait lui sug­gé­rer de nous vendre à la sor­tie un petit car­net avec ses textes, même si l’on sait bien que c’est offense à l’histoire du slam qui n’édite pas, qui se veut seule­ment dans l’oralité. N’empêche, on aime­rait relire ce qui nous a fait frissonner.

Bobey est en prise direct avec cha­cun de nous, il nous flaire, nous res­pire, atten­tif à tout, à tous dans la salle. Il exprime à la seconde ce que nous lui ren­voyons : parole, geste, sou­rire. Et c’est avec cette proxi­mi­té dont il nous amuse, avec l’envol de ses remarques spon­ta­nées, qu’il nous emmène d’abord dans son Jura ori­gi­nel. Ce pays où l’on roule les « R » faute d’avoir « de quoi rou­ler des méca­niques », dans la « plas­tic val­lée » autour d’Oyonnax l’industrieuse, près de sa grand-mère. Il nous débarque ensuite à Paris, sur les bords du Canal Saint-Mar­tin, à la ter­rasse du café Prune où il mas­tique un p’tit poème, puis avec son « accent mal dégros­si », dea­ler de rimes, à Mar­seille. Son quar­tier, les Mico­cou­liers, c’était « un peu le far-West, un peu chaud » ; il en garde un amour pour cette ville « j’ai pas­sé des années à t’aimer », une chan­son nour­rie d’images, de cou­leurs et d’odeurs, dans le bus qui des­cend de son quar­tier, une chan­son aus­si où résonnent les mots d’un jeune tué dans un règle­ment de compte : soli­tude, exclu­sion, révolte « suis-je pire que la dépu­tée de mon quar­tier ? ».

Bobey est de ceux qui chantent pour les exclus, les sans-grade, Zina l’ouvrière d’usine usée à la tâche, pros­ti­tuée, gitan, indien…

En quit­tant « Chez ta mère » le quar­tier « chaud » Arnaud Ber­nard – mais n’ayez crainte Saint-Ser­nin veille pas loin ! – où se côtoyaient CRS en mal d’arrestations et une jeu­nesse bruyante aux ter­rasses, on se disait que Louis-Noël Bobey avait eu bien rai­son de venir dans la ville rose… C’était avant de retrou­ver un ate­lier d’écriture et une soi­rée dans la haute val­lée de l’Aude, à mille lieues de cette agi­ta­tion de fin de semaine, tou­jours en quête d’authenticité.

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