Lucas Lemauff– Le Bijou – 2019 (©Claude Fèvre)
25 & 26 avril 2019, Soirées exceptionnelles au Bijou
Carte blanche à Lucas Lemauff
Avec
Lucas Lemauff (piano, voix, textes et chansons), Hervé Suhubiette (chant), Stéphanie Bourguignon /Stef ! (chant) Renata Antonante (chant), Pablo Seban (texte et chant) et le chœur Voix Express
Le Bijou (Toulouse)
En assistant à cette soirée d’exception, éphémère rencontre entre Lucas Lemauff et son public, il nous vient cette question que pose la chanson Je vous appelle de Michèle Bernard, « Je n” peux plus attendre, excusez-moi !/Ce soir je m” fais sauter la voix /Et peu à peu, la peur m’abandonne /Dans l’écho de vos cœurs qui fredonnent… » Car c’est bien la Chanson à laquelle on colle une majuscule, à son indéniable pouvoir sur les cœurs qui est le centre, l’âme de ce rendez-vous.
Que vient-il donc chercher ce jeune artiste, maître de cérémonie aux talents multiples, quand il collabore à tant de projets depuis une bonne dizaine d’années ?
Il ne semble pas vain de retracer son parcours, pendant et après ses études de musicologie. Nous l’avons connu la toute première fois au piano, aux côtés d’un chanteur toulousain dont on regrette encore la rareté, Olivier Gil. Il arborait alors, pas même âgé de vingt ans, une vague allure de mousquetaire. Déjà prêt à en découdre, à croiser le fer ? On n’en doute plus aujourd’hui.
Puis ce fut aux côtés de ses amis d’enfance Florent Gourault et Adrien Rodriguez, le trio Pauvre(s) Martin(s), remarqué au Prix d’écriture Claude Nougaro, et, peu de temps après, aux découvertes d’Alors Chante. Ensuite on découvrit ses talents de comédien dans le projet Virage à Droite, où il campa, avec un mimétisme singulier, l’homme politique de droite. Enfin, aujourd’hui, il est membre du cabaret All Arrabiata – tout à la fois pianiste, chanteur, comédien – où les textes de l’italien Ascanio Celestini font écho sans doute à ses convictions. Sans parler de la codirection du chœur amateur de Voix Express ou de ses billets d’humeur et d’humour sur Radio Campus Toulouse. Ce ne sont là que les projets les plus significatifs, les plus durables de sa jeune carrière car il s’est longtemps montré disponible à toute collaboration pour peu qu’elle vienne du cœur. Nous gardons souvenir, à titre personnel, de son accompagnement subtil au piano et à la flûte traversière de la lecture d’un extrait du poème de Jacques Prévert, La crosse en l’air, évoquant l’Espagne de 1936.
En somme, il aime la troupe, l’équipe, le partage. Sa rencontre du public ne peut-elle pas se trouver résumée dans ces mots de Michèle Bernard « C’est pour savoir si vous êtes vivants /Que je vous pince le cœur, en passant… » ? Oui, c’est peut-être juste ce projet là qui l’anime : il nous pince le cœur de multiples façons, éveille en nous la gamme des sensations, des désirs, des réflexions qui nous gardent vivants. Dans ses collaborations, il apporte son élégance – dont il sait jouer avec brio – sa générosité, son talent d’instrumentiste et sa fine connaissance musicale, son humour, son don véritable de la rhétorique et son engagement de citoyen qu’il ne manque pas de mettre en avant…
On l’avoue, cette carte blanche ouvre bien des perspectives. La soirée alterne sketches – citons une parodie du jeu des 1000 euros – des textes presque didactiques sur la Chanson, son histoire, sa spécificité, des interpellations du public, des chansons qui lui offrent l’occasion de saluer ses amis et partenaires : Hervé Suhubiette, son aîné, l’ami, codirecteur du chœur Voix Express, partenaire de bien des projets notamment sur le répertoire de Brigitte Fontaine, B. Comme Brigitte, Stéphanie Bourguignon affectueuse complice de Virage à droite, et bien sûr Renata et Pablo du cabaret All’Arrabiata avec lesquels il vivra bientôt le festival off d’Avignon.
Il conduit cette soirée tambour battant, tantôt chanteur musicien et chef de chœur, tantôt comédien. Maître de cérémonie qui sait alterner les registres. Joyeux, pétillant de malice quand il ouvre le spectacle avec son ukulélé, parmi les spectateurs qui entonnent aussitôt avec lui Pirouette cacahuète avant d’enchaîner sur d’autres comptines qu’il égratigne au passage, ou quand il reprend Gérontophile de l’iconoclaste Bernard Joyet, tendre en évoquant son enfance entre deux professeurs de langue, invitant Hervé Suhubiette, auteur prolifique de spectacles jeune public, ou Stéphanie Bourguignon – Ah le joli duo en hommage à Michel Berger – satirique, mordant parfois quand il nous interpelle sur l’autorité, sur l’enfance – un brin anarchiste quand il convoque, avec le chœur Voix Express, Louise Michel ou Léo Ferré.
Gageons que de ces deux soirées de Carte Blanche au Bijou laisseront leur empreinte. Elles sont l’occasion de confirmer que Lucas Lemauff a beaucoup à dire sur la Chanson, son Histoire, son écriture, sa spécificité…
« A quoi tient une bonne chanson ? »
Il nous démontre par exemple, dans un épisode hilarant, que quelques arrangements suffisent à métamorphoser une chanson – Ma liberté de penser de Florent Pagny et Pascal Obispo sur la musique des Anarchistes de Léo Ferré ou Chokakao, succès d’Annie Cordy, sur celle de Je l’aime à mourir de Francis Cabrel valent le détour ! On s’amuse beaucoup et en outre, on entre plus avant dans ce monde immense de la Chanson, éternellement partenaire de nos vies.
Laissons à Hervé Suhubiette, sans aucun doute celui qui est au plus près des étapes franchies de sa vie d’artiste, le soin de conclure avec sa chanson On voyage… Après tout, écrire une chanson est-ce autre chose ?
« On sort des crayons de nos manches /On prend du ciel pour page blanche »…