Corentin Grellier, Théâtre du Grand Rond – 2018 (© Claude Fèvre)

Coren­tin Grel­lier, Théâtre du Grand Rond – 2018 (© Claude Fèvre)

11 au 15 décembre 2018 Apé­ro- concert de Coren­tin Grel­lier en solo

Les oiseaux sortent de la nuit avec des chan­sons de secours 

Avec

Coren­tin Grel­lier (Gui­tare, voix)


Théâtre du Grand Rond (Tou­louse)

Quand il vous invite, Coren­tin Grel­lier le fait avec ces mots : « Venez, ça va être bien, ça va être simple, ça va être beau. »

Pour un peu, nous pour­rions nous arrê­ter là, nous conten­ter de ces deux mots : Simple et beau. Mais bien enten­du on n’est pas dupe, on devine les heures de tra­vail pour en arri­ver là, pour don­ner l’impression que ses chan­sons sont des évi­dences, qu’il les susurre à cha­cun, au creux de l’oreille. Plus sûre­ment au secret du cœur.

Coren­tin, dans son nou­veau spec­tacle, s’est dépouillé du super­flu. Il nous arrive seul avec sa gui­tare, exac­te­ment comme il les com­pose dans sa chambre. Enfin presque… Car nous l’avons sui­vi depuis ses pre­mières appa­ri­tions sur la scène tou­lou­saine, jusqu’au groupe Camu avec accor­déon, contre­basse, bat­te­rie, avec ces musi­ciens de talent auprès des­quels il a tant appris. Nous mesu­rons aujourd’hui clai­re­ment le che­min par­cou­ru. Dans la voix, qu’il maî­trise serei­ne­ment aujourd’hui, dans la dic­tion par­faite, dans les textes cise­lés, bro­dés, dans l’aisance face au public.

L’écouter ce soir, au théâtre du Grand Rond plein à cra­quer, c’est s’offrir une paren­thèse, une échap­pée belle dans la nuit d’un mois de décembre qui res­pire l’inquiétude face à des len­de­mains incer­tains. Une heure pour oublier que notre pays va mal. Les chan­sons comme remède, comme secours… Une heure pour se lais­ser aller à la dou­ceur comme il nous y invite dès la pre­mière chan­son. Il fre­donne puis entonne « Oscil­lante sur ton axe /​Aus­si belle que la fra­gi­li­té /​Tu danses comme une acro­bate et par­fois t’emmêle les pieds… »

Il nous pro­mène dans les méandres aven­tu­reux, incer­tains, de l’amour. Du pre­mier amour où « cha­cun joue de son impos­ture », et qui iné­luc­ta­ble­ment nous quitte « comme ces ponts qui s’effondrent en été », à celui dont on attend en vain le retour, ruis­seau qui jamais ne remonte son cours, oiseau qui fait des voyages, et « les voyagent prennent le large » nous le savons bien… Mais sur­tout il nous parle de ren­contre « Avec les mains et le rire /​Sans crier gare sur un banc /​Par hasard sous un tilleul… On ne s’y atten­dait pas /​Un jour de froid… Sans se dou­ter que ça arrive /​Se croi­ser et se cogner contre /​Et c’est comme ça /​C’est comme ça que l’on se ren­contre. » Coren­tin a le talent comme per­sonne de vous chan­ter l’amour sans vous las­ser. Il jongle admi­ra­ble­ment avec toutes les nuances de ce sen­ti­ment, se fait jon­gleur infa­ti­gable qui échoue mais reprend sans cesse son geste.

Ses chan­sons prennent un relief par­ti­cu­lier dans cet espace bar du théâtre du Grand Rond, l’un de ces petits lieux qu’il salue dans Le petit théâtre de mon île mon­tante où l’on vient « res­pi­rer le temps qu’il fait sans la télé »… Juste ce qu’il faut pour que sa gui­tare « cares­sée, cares­sante », ses mots qu’il tisse, nous fassent un bien fou cinq soirs durant.

En le quit­tant, en s’enfonçant, à quelques mètres de là, dans la bouche du métro, on pense à la ten­dresse qui nous enve­loppe alors déli­cieu­se­ment. On se sou­vient de la chan­son de Bour­vil qui fait sou­dain écho aux « chan­sons de secours » de Coren­tin Grel­lier. Elles nous aide­ront- on en est sûr- à aller vers demain…

« Quand la vie impitoyable
Vous tombe dessus
On n’est plus qu’un pauvre diable
Broyé et déçu
Alors sans la tendresse
D’un cœur qui nous soutient
Non, non, non, non
On n’i­rait pas plus loin » 

La ten­dresse (Noël Roux /​Hubert Giraud) 1963