Marius Solal, Le bocal, 2021 (©Cédric Gleyal/ Uriprod)

Marius Solal, Le bocal, 2021 (©Cédric Gleyal/ Uri­prod)

08 juin 2021, De clip en clip # 5

« Pas la peine de pous­ser pour sor­tir du bocal … »

Avec,

Marius Solal, Le Bocal, 1er album à paraître au prin­temps 2022, réa­li­sa­tion Cédric Gleyal – Uriprod

Céline Olli­vierLe silence des hommes, 3ème album, Siroc­co, à paraître le 20 août 2021, réa­li­sa­tion Laurent Melon, artiste peintre 

Emi­lie Marsh Neva­da, album épo­nyme NEVΛDΛ à paraître le 15 octobre 2021, réa­li­sa­tion Alexandre Attias

Clio, Quelqu’un quelque partalbum L’amour hélas tour­né au res­tau­rant Le Bou­chon Colette à Lyon 2, réa­li­sa­tion Isa­belle Maurel


Amu­sant, non, ce vers extrait de la chan­son du tou­lou­sain Marius Solal : « Pas la peine de pous­ser pour sor­tir du bocal » ? Même si nous dévions sen­si­ble­ment le pro­pos du chan­teur. Qu’il veuille bien nous par­don­ner cet abus d’interprétation ! 

On peut tout ima­gi­ner en effet de l’empressement, l’impatience et la confu­sion qui peuvent naître aujourd’hui d’un spec­tacle vivant trop long­temps muse­lé… La sor­tie des clips met­tant en lumière les chan­sons nou­velles n’échappe pas à l’embouteillage. Cer­tains méritent vrai­ment qu’on s’arrête un ins­tant sur cette créa­tion d’images.

Reve­nons au bocal… à cette réa­li­sa­tion dia­ble­ment effi­cace. Dès les pre­mière secondes une main lâche un pois­son rouge dans un bocal posé sur une table. Le décor est rigou­reu­se­ment nu. Au plan sui­vant c’est le chan­teur, che­mise rouge comme le pois­son, qui est à cette table et regarde nager l’animal… Et voi­là que le texte de la chan­son éclaire la méta­phore : « Passe et repasse le temps à tour­ner, seul dans l’bocal, /​For­ma­té dans la bulle de ta conscience ani­male, /​Goût de l’effort usé, tu cliques, tu craques, tu zappes, / Com­ment ne pas s’aliéner ? » Alors on com­prend mieux ce qui nous est annon­cé de l’auteur, du regard qu’il pose sur nos vies, sur notre condi­tion ani­male, sans se dépar­tir d’une dose salu­taire d’humour et d’autodérision : « Vou­loir être dans le vent, est une ambi­tion de feuille morte ».Voi­là qui est dit et bien dit.

Sans nul doute ce clip, pre­mier extrait d’un pre­mier album à venir, est un excellent pas­se­port pour la décou­verte. Et, pro­mis, on gar­de­ra en tête le refrain, cette recom­man­da­tion : « Pas la peine de pous­ser pour sor­tir du bocal… Nage vers ton idéal. »

Le clip de Céline Olli­vier, Le silence des hommes, annonce un 3ème album à paraître en août. Ce sont des images fortes, une ani­ma­tion colo­rée, une créa­tion ori­gi­nale d’un artiste peintre, Laurent Melon. Nous connais­sons Céline et ses textes empreints d’un lyrisme pro­fond, bou­le­ver­sant. Cette chan­son change de registre. Elle dénonce, pointe du doigt l’état de la pla­nète, enva­hie de nos déchets. Un sixième conti­nent qui dérive. Jusqu’où ? Le texte est déter­mi­né, sans conces­sion : « Tant qu’à ce cri vous res­te­rez sourds, je m’élèverai… » et les images relaient. On ne sait ce qui nous frappe le plus : le rideau rouge qui s’ouvre au début comme une mâchoire sur un ciel d’orage, le porte contai­ner qui glisse imper­tur­bable, l’amoncellement d’emballages plas­tiques, plus encore l’image de la tor­tue qui se déplace avec une cara­pace de ces déchets, la lutte d’un pauvre man­ne­quin arti­cu­lé contre une arma­da de vapo­ri­sa­teurs… Et ces lettres majus­cules qui enva­hissent l’écran : « Le silence des hommes », « Wel­come to fabu­lous » et sur­tout « Why » ce cri immen­sé­ment rouge« quand nos enfants deman­de­ront pour­quoi n’ont-ils rien fait ? » On se dit pré­ci­sé­ment que ce clip pour­rait bien être un excellent sup­port péda­go­gique dans les écoles.

A ces deux pre­miers clips comme autant d’images qui nous observent, pauvres êtres humains, coin­cés dans nos bulles, images qui alertent sur notre lâche­té, répondent des créa­tions ouvertes sur l’espérance… Encore et encore, l’ombre et la lumière qui régissent à peu près tout, en nous et autour de nous.

Aujourd’hui sort le pre­mier clip Neva­da, du futur album épo­nyme d’Emi­lie Marsh, recherche d’épure et d’efficacité. Le mot lui-même emmène avec lui quan­ti­té d’images avant même que nous décou­vrions celles d’Alexandre Attias. Emi­lie ne s’est pas pri­vée en amont de nous le rap­pe­ler et d’en jouer. Neva­da, comme cette voi­ture sept places, le véhi­cule idéal de la famille fran­çaise à la fin des années 80, Neva­da comme l’état de l’ouest des Etats-Unis, son désert fas­ci­nant sur­tout avec l’image d’une route qui le tra­verse, inter­mi­nable, et puis Neva­da, film de 2019 réa­li­sé par Laure de Cler­mont-Ton­nerre, à la fois film de pri­son et wes­tern qui confronte un pri­son­nier au dres­sage de che­vaux sau­vages pour sa réha­bi­li­ta­tion… Pour l’heure, Emi­lie Marsh qui nous a mon­tré qu’elle pou­vait très bien jouer la sau­vage, l’indomptable, avec ses deux com­parses du groupe Bodie, nous invite cette fois à un « road trip », à bord de la Neva­da. Dans un plan rap­pro­ché, elle nous appa­raît, che­mi­sier blanc et bouche rouge, che­veux libres tom­bant sur les épaules. Sa ges­tuelle répé­tée des­sine une cho­ré­gra­phie, un lan­gage sou­li­gnant le texte, entre sou­ve­nirs « Sou­viens-toi comme on allait vite et sûres de nous… » et appel à pour­suivre le voyage, encore, tou­jours et peu importe l’itinéraire… « Oh, Neva­da / Emmène-moi / Embras­sons-nous /​encore une fois dans la Neva­da /​Regarde autour et aux alen­tours / Rien ne vaut ce que nous avons là… » Invi­ta­tion à s’aimer donc. Ici main­te­nant ! Les images font se suc­cé­der des néons enca­drant le visage, ces néons à éclipses, des images éta­su­niennes : bleus, rouges, jaunes, roses, des chiffres – 66, chiffre de la fameuse route reliant Chi­ca­go à Los Angeles – des formes géo­mé­triques, des cœurs… Hey, assu­ré­ment nous sommes à bord de la Neva­da et ce sont déjà des cou­leurs, de la confiance, des mains refer­mées sur ce que nous avons là… « De toute façon l’aventure est ici » et pas ailleurs !

Un voyage, un voyage d’une autre sorte, c’est aus­si ce que pro­pose Clio avec ce nou­veau clip Quelqu’un quelque part, tour­né à Lyon, au res­tau­rant Le Bou­chon Colette où une camé­ra sub­jec­tive suit le regard et les pen­sées d’un per­son­nage incar­né par Kévin Blan­chard. Elle s’attarde sur chaque menu geste, chaque détail signi­fiant pour un cœur dis­po­nible à l’improbable, l’inconnu… « Quelqu’un quelque part qui vou­drait jouer dans ton his­toire, qui irait bien dans ton décor, qui dira rien quand t’auras tort… » Bien enten­du, cette réa­li­sa­tion d’Isa­belle Mau­rel aux cou­leurs vin­tage rend un hom­mage appuyé au ciné­ma, à celui que Clio se plaît à saluer dans ses chan­sons depuis son titre Eric Roh­mer est mortFabrice Luchi­ni posa sa voix… On assiste en effet à un très court métrage qui s’amuse à brouiller les pistes entre rêve et réa­li­té. Le clip accorde 43 secondes d’introduction à poser le décor avant que la chan­son ne com­mence chan­tée par Clio qui regarde ce jeune homme, sty­lo en l’air, cahier ouvert devant lui, per­du dans ses pen­sées, ses rêves d’amour tendre… Lui ? Elle ? Allez savoir… Quelqu’un quelque part « quand tu cherches une idée pour peu­pler ton désert /​pour te rafis­to­ler quand tu es à l’envers… » Tout reste à écrire…