Détours de Chant 2019 – Dani – (©Claude Fèvre)
27 janvier 2019, Détours de chant– opus 18 « Une icône intemporelle et inclassable »
Dani
Avec
Dani (voix) accompagnée par Emilie Marsh (guitare électrique, voix)
Théâtre du Centre – Colomiers (Toulouse)
« Y’a pas d’mal à s’faire du bien
La vie c’est du cinéma
Qu’on ne regarde qu’une fois »
Imaginons qu’une partie d’entre vous peut entonner le refrain « Y a pas d’mal, tu sais, à s’faire du bien, la la la… » comme nous l’avons fait ce soir dans ce petit théâtre, au portes de Toulouse… Un écrin, une petite boite noire où l’échange est immédiat. Dani nous est apparue souriante, détendue, silhouette noire et strass, pantalon de cuir, élégant chemisier, toujours disposée à marquer le rythme, à se tourner vers Emilie Marsh sa partenaire, sa complice, à l’encourager quand elle se met à jouer, à exprimer à voix haute son admiration pour elle… Elle en est émouvante de sincérité, de spontanéité.
Car le charme des chansons, celles qui nous transportent des années en arrière, tout comme les plus récentes est singulièrement souligné par le jeu de la guitare électrique et les boîtes à rythmes d’Emilie Marsh. C’est donc un duo féminin de choc et de charme qui nous emporte dès le premier titre. « Qu’est ce que t’as, qu’est que t’as pas ?… Tu vis la tête à l’envers, je vois qu’ça… » Des mots qui nous interpellent en termes familiers et efficaces… Très vite en effet, le concert prend la tournure d’une rencontre entre amis, comme le souligne Dani elle-même, un échange, « un dimanche entre nous ». Alors, les chansons se succèdent comme autant de confidences, de haltes dans la course du temps.
Dani fait quelques apartés qui nous ramènent des années en arrière et font un clin d’œil à un évènement qui perdure : l’Eurovision… Etrange coïncidence, Dani chantait samedi, au moment même où se déroulait la sélection du candidat 2019 sur une chaîne publique. La vie à 25 ans que nous évoquions en introduction était prévue pour l’édition 1974… Le décès de notre Président d’alors, Georges Pompidou, mit un arrêt au projet… Que serait-il advenu de ce titre face au groupe Abba et sa chanson Waterloo ?… Décidément il était écrit que Dani n’irait pas à l’Eurovision puisqu’une autre chanson, signée cette fois Serge Gainsbourg, fut refusée… Et pas la moindre puisqu’il s ‘agit de Comme un boomerang qui vaut, ce soir, au duo de Dani et Emilie, une légitime ovation.
Avec Dani, on revoit des pans entiers du patrimoine de la chanson et l’on mesure – même si elle est particulièrement discrète – la place qui est la sienne. « Muse des chanteurs cultes » dit le programme avec raison… Rien que pour son album de 2003, Tout dépend du contexte, elle est servie, nous précisent les Inrocks, par « Daho évidemment, mais aussi Christophe Miossec, Daniel Darc, Alain Chamfort, Pierre Grillet, le débutant David André ou encore Philippe Poirier de Kat Onoma pour Carte postale »… Ici ou là, au cours du concert, Dani lève le voile sur quelques noms d’auteurs comme lorsqu’elle s’apprête à chanter Les Artichauts, titre fantaisiste des années soixante, signé Frédéric Botton… Un nom associé à une foule de grands interprètes…
De sa voix grave, teintée du sombre et du gris de la vie, sans doute aussi de ses soleils, Dani dit, chante les mots qui retracent des lieux, des moments, des désirs et des refus. Aujourd’hui, plus de faux-semblant, la parole s’est nimbée du refus du compromis et de la fragilité des jours… « Serait-ce le vent /Serait-ce la pluie ? /Serait-ce seulement l’ennui… ? Une seule certitude, où que l’on se tourne, « La seule chose qui ait un sens, c’est l’amour pour lequel il y a urgence… » Pas la peine de ressasser les souvenirs, les rendez-vous… Tout aurait pu être si différent… « Il aurait pu pleuvoir /Et toi ne pas me voir /Tout dépend du contexte /J’aurais pu dire je t’aime /Et toi ne pas me croire… »
Ce concert nous a promené de la fantaisie, la légèreté – note sur laquelle s’achève ce concert avec, en rappel, Pour un flirt avec toi de Michel Delpech – à la profondeur, comme dans ce constat amer « A Paris… des lumières y en a plein /Mais je cherche en vain un être humain… » ou bien ce message non dépourvu de dérision, « Je voudrais que quelqu’un me choisisse… à poireauter je crains que je dépérisse… » ou surtout le bilan bouleversant d’une vie, Vive l’enfance, chanson de 1969, empreinte de larmes… « Mais l’odeur du café au lait /Des fois ça m’ferait pleurer /Mes parents ils ont dû vieillir/
Un jour ou l’autre ils vont mourir /Faudra que j’y passe un dimanche /Vive l’enfance ».
On s’en retourne chez soi, avant que la nuit ne s’installe sur la ville, avec la conviction que c’était aujourd’hui jour de chance. Dani et Emilie Marsh, deux générations de chanteuses, de rockeuses, s’assemblent pour nous dire que « la nuit ne dure pas… le soleil rouge rose détruit tout chaque fois… »