Gisèle Pape, Siffler sur la colline, 2021 (©Gisèle Pape)
10 Novembre 2021, De clip en clip # 8
« Siffler là haut sur la colline… »
Avec
Gisèle Pape, Siffler sur la colline, reprise de la chanson de Joe Dassin (Chanson italienne Uno Tranquillo, texte français Frank Thomas /Jean Michel Rivat) sortie le 2 novembre, 1er album Caillou, réalisation Gisèle Pape
Toulouse contour, Demain, demain, reprise des Fabulous trobadors, 2003 (texte et musique Claude Sicre, extrait de l’album Duels de tchatche … Et autre truc du folklore toulousain), album à paraître le 28 janvier 2022, réalisé par Roshanak Rafat
Debout sur le Zinc, L’importance de l’hiver, album éponyme sorti en septembre 2021 clip réalisé en collaboration avec Ada Kogovšek, chorégraphe slovène
Hélène Piris, Egalité des chances (et ta sœur) (texte et musique Hélène Piris), album Non, mais on va s’en sortir, sorti en septembre 2021, réalisation Pierre Malik Addoun, tourné dans le village de Montbrun les Bains (26)
Woho woho /Woho woho…
Bien sûr, vous reconnaissez et vous avez bien le droit – sans aucune peur du ridicule – de poursuivre la rengaine… N’est-ce pas, vous vous souvenez du refrain d’une chanson parue au plein milieu des évènements de 68, propulsée par la programmation musicale des radios en grève ? Etonnante destinée des chansons populaires !
« Elle m’a dit /Elle m’a dit d’aller siffler là haut sur la colline, de l’attendre avec un petit bouquet d’églantines /J’ai cueilli les fleurs et j’ai sifflé tant que j’ai pu / J’ai attendu attendu elle n’est jamais venu » suivi du fameux et incontournable : « Zaï zaï zaï /Zaï zaï zaï »
Que vient donc faire cette chanson, ici ? Figurez-vous que Gisèle Pape, forte de ses études de cinéma, de son parcours dans la régie lumières, a réalisé elle-même le clip de sa reprise de Joe Dassin où un long travelling suit le parcours urbain d’une petite fleur rose au bout d’une main, jusqu’à ce qu’elle soit déposée dans un coin d’herbe verte au milieu des arbres… Une guitare électrique rejointe par des sons électro, une voix douce l’escortent, offrant une toute autre chanson que celle que nous gardons en mémoire. Laissons la chanteuse justifier son choix. : « Siffler sur la colline est une chanson au texte naïf et drôle, dans laquelle la femme est celle qui, avec malice et un bon brin de moquerie, tourne l’homme éperdu en bourrique. J’ai voulu accentuer l’absurdité de l’image de l’homme gravissant et attendant en vain au sommet de la colline, un petit bouquet de fleurs à la main. J’ai imaginé le clip comme un road trip naïf et psychédélique de cette histoire. Mais le clip, s’il met en images le voyage et l’errance de son personnage, propose une lecture légèrement différente de la chanson. Remplaçant l’humain, la petite fleur du bouquet en devient le personnage principal. » A nous donc d’interpréter librement cette errance et ce voyage sur la colline. Ce clip offre l’opportunité, la curiosité de voir ou revoir les deux précédents, Le chant des pistes et Nageuses, pour apprécier la portée de ce premier album, Caillou. On peut voir ainsi que Gisèle Pape ne fait pas dans la bluette.
Reprise, vous avez dit reprise ?
Trois chanteurs toulousains, et non des moindres, Art Mengo, Magyd Cherfi et Yvan Cujious, se sont illustrés, voilà quelques années, dans cet exercice pour honorer la chanson midi-pyrénéenne, la chanson toulousaine. En février 2014 de ce qu’il baptisait alors Toulouse Con Tour en deux mots – clin d’œil à ce petit mot « con » qui se glisse partout dans la conversation, « un mot doux », selon Juliette – nous écrivions : « Yvan et sa bonhommie nous baladent dans l’enfance, inventent une histoire d’amour entre deux ponts de Toulouse, s’amusent de nos ruptures sentimentales, Magyd et sa générosité à laquelle on ne peut résister, mettent ses racines à nu où domine l’image de la mère, celle qui voulait à tout prix qu’il soit bon en français, enfin, la voix légèrement brisée d’Art Mengo, accompagnée au piano ou à la guitare, porte ses chansons d’amour à la « langueur monotone » et on s’y laisse embarquer. »
Et voilà que les trois chanteurs nous reviennent, plus complices que jamais dans le clip de Demain demain, reprise des Fabulous Trobadors de 2003. « Demain c’est la terre promise /Demain c’est là le paradis /Demain demain s’éternise /Demain décourage aujourd’hui » chanson d’espérance, teintée de dérision bien sûr… Qui peut croire encore au paradis ? Mais nos trois toulousains offrent des images singulièrement joyeuses et réconfortantes. Les voici vêtus comme des nababs, quinquagénaires prêts à toutes les facéties pour fêter leurs retrouvailles, pour fêter demain… Toulousains d’adoption ou de naissance et même de passage, nous reconnaissons les lieux, places, rues où ils font halte dans la ville rose et particulièrement le carrousel aux chevaux de bois de la place Wilson qui tourne toute l’année… Leur déambulation facétieuse s’achève sur les allées ombragées, en bord de Garonne, sur la rive qui fait face au quai de Tounis, cher à Claude Nougaro. Débarrassés de leurs costumes, cravates et nœuds papillons, face caméra, ils saluent et s’éloignent du même pas tranquille… Voilà de quoi créer l’impatience de les revoir en scène et d’écouter leur album à paraître en janvier, Le temps additionnel.
Debout sur le zinc et le titre de leur nouvel album – le 9ème, sans parler de leurs reprises de Boris Vian – sorti en septembre misent sur l’apaisement, l’espérance et la délivrance avec L’importance de l’hiver. Une session acoustique nous avait montré au printemps le sextet en pleine nature, dans le jardin de la maison Elsa Triolet – Aragon. La musique balance doucement entre clarinette, banjo, guitare. Et voici que le clip officiel insiste sur cette couleur espérance : l’image du chanteur Simon Mimoun alterne avec celle d’un village paisible au loin, une nature hivernale où se détache la silhouette d’une femme debout sur un rocher. Elle se met à danser sur fond de ciel bleu : « Non tu n’es pas seul… Réveille –toi » Suffit de lever la tête… Cette danse vient s’achever dans une douce lumière chaude où apparaît le duo tendre d’une mère et son bébé… « Entends au loin chanter le vent d’été… » On ne peut rêver mieux pour appeler à accepter les pensées, la tête à l’envers, les défaites, les illusions et désillusions… Le chanteur du groupe s’exprime ainsi (extrait de l’interview pour RFI musique) : « On part d’un constat : je suis un pessimiste joyeux, mélancolique, mais je me bats tous les jours pour tirer la substantifique moelle de la vie. Il n’est pas question de s’enterrer en étant vivant. L’espérance est un plat qui se mange froid, c’est la vieillesse telle que j’aimerais la vivre. » Et ce clip s’ouvre sur un partage inattendu avec une artiste slovène Ada Kogovšek, encore une bonne raison de lever la tête…
A peu près en même temps que Debout sur le Zinc, Hélène Piris a sorti son nouvel album, Non, mais on va s’en sortir… En mars dernier elle nous avait singulièrement surpris avec un premier clip réglant ses comptes « à notre monde foutraque » et incitant vivement « à ne pas en rester là ». Nous avions alors conclu « C’est énergique, joyeux, fantasque et le message est parfaitement clair. » Voilà qu’elle nous revient avec le clip du titre explicite Egalité des chances (et ta sœur) – la parenthèse dénonce, s’il est nécessaire, le ton pamphlétaire de la chanson. Les images tournées dans le beau village de la Drôme, Montbrun –les-Bains, nous transporte d’abord dans une salle de classe où exerce une institutrice ressemblant fort à Hélène Piris face à des bambins interloqués, très vite entraînés dehors par deux trompettistes. C’est alors une vraie débandade dans les petites rues où la maîtresse et les élèves entraînent bientôt tout le village. On ne peut pas vraiment dire que les paroles de la chanson soient tout ce qu’il y a de policé et bien élevé pour les jeunes oreilles…Jugez-en plutôt « Mieux vaut être un français bien blanc /Y’a pas mal de choses que ça facilite /Trouver un job ou un appartement /Sans s’faire emmerder par les flics »… Mais voilà, la chanson nous entraîne, petits et grands, dans une manif champêtre, débridée, joyeuse, aux accents des trompettes. C’est un charivari qui finit par s’ébattre dans les prés ensoleillés, un bal impromptu qui rassemble les générations au milieu des bottes de foin, entraîné par une violoncelliste qui n’a pas froid aux yeux. La dernière image où s’affiche « The End » nous la montre seule, guidant un bon gros cheval de labour, le soleil déclinant… C’est doux, tranquille… Un autre versant du message sans doute, car la vie d’un chanteur, d’une chanteuse, tout comme la nôtre, est faite de ces paradoxes. Après le collectif, après les revendications, fussent-elles dans la joie, le retour à la solitude, à la tendresse, dans une nature apaisée, s’impose.