Fresque murale (extrait) – CNRS, rue Jeanne Marving, Toulouse (© Céline Lajeunie)
16/11/2020 – Deuxième vague – Jours 11 à 17
Ouvrir ensemble l’écran de nos fenêtres – #2
Avec les publications de
Matthias Vincenot, Govrache, Fraissinet, Piotki, Garance, Marie Bobin, Jean Thiébault Urban, Vincent Gene, Emmanuel Magdelaine, Etienne Champollion, Bruno Cariou /label Neômme
Rêver encore, rêver surtout, quelque que soit le
Moment
Et ne pas rejeter l’inutile, le vent
Matthias Vincenot (S’élancer, en écho à Jeunesse d’Andrée Chedid, in Une éternité provisoire, Editions Unicité)
Deuxième semaine à se laisser porter par l’inattendu, l’improbable, derrière l’écran de nos fenêtres. Deuxième semaine à répondre à une invitation essentielle, une invitation à rêver comme le dit le poète Matthias Vincenot dans son tout dernier recueil. Comme le clament au passant les mots « Savoir, penser, rêver », les couleurs chatoyantes, à proximité de l’école et du laboratoire du C.N.R.S à Toulouse. Cette fresque murale a été réalisée par quatre artistes péruviens, dans la tradition de leur culture « chicha » née dans les années 60 à Lima, une esthétique résolument urbaine et engagée : « Mas que un arte, una lucha ».
C’est aussi ce que Non essentiel, le tout dernier slam de Govrache, avec le talent qu’on lui connaît pour nous prendre par le cœur, avec le tissage de ses mots entre tendresse et indignation, avec la scansion de la musique qui l’escorte, répète au refrain : « Et moi je rêve… ». Comme en écho, sans même se le dire, d’autres artistes avec lui ont sans doute pensé « Ils finiront bien par entendre l’espoir qui pousse derrière nos murs ». On peut légitimement y croire quand on lit, par exemple, le message récent de Fraissinet. Il invente une sorte de calendrier de l’Avent, un calendrier pour nous aider à franchir ces jours de privation, baptisé « A demain », comme « une petite porte cartonnée à ouvrir » chaque soir sur FaceBook à 18h, « un peu de rêve à dessiner, une image, un texte, une vidéo ou quelques mots… » Et nous savons par avance que Nicolas Fraissinet saura distiller des mots pour rêver, comme ceux-là offerts hier soir pour accompagner le thème exécuté au piano, sous nos yeux, de l’un des morceaux qui composent la bande sonore de son roman Des étoiles dans les yeux : « comme une rêverie d’enfant à dos de balançoire. Proposer à ce dimanche soir de nous envelopper de quelques souvenirs de cache-cache dans les rideaux, de pâte à modeler dans nos joyeux terriers et de gourmandises aux effluves de cannelle et de chocolat chaud. »
Ils sont nombreux, nous l’avons déjà dit, ceux qui ne manquent aucun de leurs rendez-vous quotidiens pour reprendre les chansons de notre patrimoine… A chacun ses repères essentiels… A chacun ses découvertes, re-découvertes… Aujourd’hui nous citerons Pierre Pauzin/Piotki qui accompagne toujours sa chanson de commentaires dont on pourrait faire une histoire, le récit d’une vie consacrée à l’amour de la Chanson, à la quête de son étoile, de son rêve d’être entendu… Avec lui, avec ses confidences, nous sommes au plus près de ce qui touchait tant le grand homme de la chanson qui vient de disparaître, vaincu par ce virus qui nous menace tous. Nous voulons saluer Jean-Michel Boris et son engagement sans failles pour que vive et survive la Chanson…Il allait au plus près de ses plus humbles défenseurs… A n’en pas douter, il aurait accordé une oreille attentive à l’espérance de Pierre. Il nous manque déjà.
Et puisqu’il est question de confidences de chanteur, pourquoi ne pas s’arrêter à la belle plume autobiographique de Garance qu’un de ses amis FaceBook évoque avec justesse ainsi : « fausse naïve mais authentique poétesse, bouffeuse de vie… » On s’arrêtera à son hommage au café- bibliothèque de son quartier heureusement nommé « Paul et Rimbaud », publié le 9 novembre : « Dans ce café j’ai défait des nœuds et refait des mondes, j’ai commandé des verres de vin et du saucisson en fin de journée… » Le récit s’achève par un baiser amoureux… et le lien avec une chanson de Sophie Le Cam. On lira aussi, la veille, la description de sa vie d’artiste confinée « J’ai peur à crever que tout ne soit plus que vide et absence, que tout ne soit que passé et futur »… Gageons que vous ne saurez pas résister non plus à ce titre « J’avais 18 ans et je me prenais pour Simone de Beauvoir »… Garance, non seulement une chanteuse remarquable (et remarquée) dans le paysage actuel de la Chanson mais une écrivaine, à coup sûr !
Pour avoir son « plan anti-blues », son « Plan Booster Bonne Humeur » comme le dit Marie Bobin, on peut prendre aussi le chemin des images, tout aussi quotidiennes. Marie, elle, chaque jour, publie un dessin, une peinture empruntée à ses carnets de voyage, propose ses dessins pour « rêver un peu, redonner des couleurs à cette morne vie. » On aime tant sa frise des quais de Saône à Lyon, surtout lorsqu’elle s’accompagne du texte et de la voix de François Gaillard et de la composition de Frédéric Bobin.
Il est possible aussi de se laisser emporter par le charme automnal des albums photographiques de Jean Thiébault Urban, notamment lorsqu’ils nous restituent la beauté de l’Auvergne, le pays des puys. Et c’est aussi ce pays que traversent les images de Vincent Gene, accompagnées d’un petit texte, invitation à l’évasion comme celui-ci : « Ici au cœur de ces montagnes dépeuplées, le sifflement incessant des vents se mêle au grondement sourd d’un tonnerre éloigné.. » Arrêtons –nous ensuite à des images musicales – émerveillement garanti !- montages vidéo cette fois, d’à peine 1min30 chacun, mixage d’une virtuosité surprenante d’images et de musiques, à suivre sur la page d’Emmanuel Magdelaine : une série de 15 clips rassemblés sous le titre La Poésie qu’il diffuse jour après jour. Les 30 secondes de la bande annonce propose un texte dit par Jacques Bonnafé (précisons que chaque fois le texte défile en bas de page) « Elle est parole levée, vent debout ou chant intérieur. La poésie c’est l’insurrection des consciences contre tout ce qui enjoint, simplifie, limite ou décourage… » Et c’est ainsi que l’on entendra au fil des jours les mots d’Edgar Morin, Léo Ferré, Albin de la Simone, Edouard Baer, Stevie Wonder… D’étonnement en étonnement, on a souri, non sans émotion, aux mots de Carlos, « Embrassez-vous ! Big bisous /C’est un souvenir du joli temps passé… » mêlés aux voix du duo Cabane, au piano d’Andrew James Johson et Ludovico Einaudi, à la batterie de Jeff Randal…
Cette proposition rapide et tellement efficace n’est pas sans nous rappeler les publications musicales d’Etienne Champollion qui s’est donné pour objectif de nous faire entendre, pendant 33 jours, ses 33 MicroPiani, ses très courtes compositions au piano. C’est ainsi que nous avons lu ses commentaires – non sans une pointe d’humour, de fantaisie – très détaillés parfois sur la composition, ses influences, son invitation à les écouter, son hommage à Hortense Wild compositrice féministe française oubliée… On se laisse séduire par MicroTrain (et c’est parti pour un voyage à travers la forêt brésilienne), MicroChasse et ses petits lapins en stress, MicroTourbillonDeNeige,MicroAutorouteSousTempsDePluie, le joyeux MicroDanseDesLutins… MicroSolitude rempli de spleen… Vous l’aurez compris, il y en aura pour tous nos états d’âme…
On termine par une note de dérision, celle que nous propose, chaque jour également, Bruno Cariou du Label lyonnais Neômme, s’adressant, au fil de l’actualité, à Roselyne Bachelot avec l’illustration d’une image empruntée aux années 50. Un petit conseil, ne manquez pas sa « lettre » d’hier, au lendemain du passage de la ministre à l’émission On est presque en direct de Laurent Ruquier et cet échange qu’il prête en image à Roselyne et Jean effondré :
- Ben quoi Jean… Fallait pas annoncer la réouverture des librairies ?…
- Mmm
- Mais enfin, dites quelque chose !
- Merde quoi !
- Z’avez qu’à y aller, vous, chez Ruquier !