Louis Chedid & Yvan Cassar– En noires et blanches -  2022 (© Audouin Desforges)

Louis Che­did & Yvan Cas­sar– En noires et blanches – 2022 (© Audouin Desforges)

9 sep­tembre 2022, sor­tie du nou­vel album de Louis Che­did 14 de ses plus grands suc­cès + un inédit 

En noires et blanches 

Avec,

Louis Che­did  (textes et musique, chant) Yvan Cas­sar (pia­nos) 


Aver­tis­se­ment : Ce texte ne sau­rait pas­ser pour une chro­nique. C’est une pure fic­tion, un jeu d’écriture où se trouvent insé­rés en carac­tères gras les 15 titres de l’album et quelques mots, expres­sions, emprun­tés ici ou là aux chansons.

  1. Si seul sans vous 2. Ain­si soit-il 3. Tu peux comp­ter sur moi 4. Tout ce qu’on veut dans la vie 5.  Ne m’oubliez pas 6. Ces mots sont pour toi  7. Bouc – Bel – Air  8. Le Cha­cha de l’insécurité  9. Anne ma sœur Anne 10.  Dan­seur mon­dain 11. Les absents ont tou­jours tort 12. On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime 13. La belle 14.T’as beau pas être beau 15. God Save the swing

Entre le béton et la lune

Cime­tière Mont­par­nasse, sous le soleil d’automne. 

Il se tenait là, devant la tombe cou­verte de fleurs. Il se sen­tait vide de tout. Il allait pour­tant fal­loir vivre… 

Les der­niers mois se mirent à défi­ler dans sa tête, des images en vrac, des gros plans sur ses che­veux, ses mains, sa bouche… De longs plans séquences sur un amour flam­bant neuf. Tout allait tel­le­ment vite alors : pre­miers ren­dez-vous, pre­miers bai­sers, pre­mières danses. Les mots jaillis­saient, il n’en mesu­rait même pas l’onde de choc. Il disait « Je me sens si seul sans vous, à chaque fois, c’est un peu comme un deuil… » Elle avait ri de ce vou­voie­ment, de ces envo­lées lyriques. Il l’entendait encore chan­ter le refrain de God save the Swing de Louis Che­did. Il la revoyait cla­quer des doigts, frap­per dans ses mains et taper du pied, comme le disait la chan­son…
Très vite il avait osé confier ses doutes, ses angoisses devant ce monde fou, toute cette hys­té­rie, tout ce stress. Elle répon­dait « Tu peux comp­ter sur moi… Si tu pars à la dérive, je serai tou­jours là… » Elle lui deman­dait de ces­ser ce qu’elle appe­lait, un brin moqueuse, son Cha­cha de l’insécurité, d’oublier les sous-marins nucléaires, les bazoo­kas, les mis­siles, les bombes A et les bombes H, et même cette nazi nos­tal­gie, ce cau­che­mar qui rôdait et qui lui fai­sait joindre les mains, les yeux au ciel : « Anne, ma sœur Anne… »

Elle était faite pour le bon­heur, voi­là tout… Elle l’entraînait à sa suite dans ses sou­ve­nirs d’enfance en para­dis, entre Aix et Mar­seille, à Bouc-Bel-Air, au temps des pre­miers cris du corps et du cœur. Elle répé­tait « Tout ce qu’on veut dans la vie c’est qu’on nous aime… » Et ça finis­sait par un bai­ser fur­tif, rien qu’un seul qu’elle posait là sur sa joue comme une enfant, à peine le poids d’une feuille, la caresse d’un cil. Alors, lui qui se sen­tait si lourd, si mal­adroit, si mal­ha­bile, dan­seur mon­dain dans ce monde cin­glé, il était tout à coup déli­vré de tout. Ce fatras qui l’encombrait dis­pa­rais­sait. Il était bien près de se sen­tir déli­vré, comme un pri­son­nier qui s’est fait la belle. Et même bien près de recon­naître, t’as beau pas être beau, monde cin­glé, j’aime, j’t’aime, j’taime… Il enfouis­sait son visage dans le par­fum de son cou. 

Et voi­là qu’elle le lais­sait seul, tout seul, K.O debout, grog­gy, avec une foule de ques­tions… Elle aurait pu attendre que son heure vienne… Il enten­dait sa voix, la voyait haus­ser les épaules. Elle répon­dait : « Les absents ont tou­jours tort »…

Il fouilla dans sa poche, se bais­sa pour glis­ser un mot entre deux roses ouvertes, de ce rouge pro­fond, exac­te­ment le rouge qu’elle aimait… Sur un papier bleu pâle, il avait grif­fon­né un mes­sage en se repro­chant : on ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime… 

« Ces mots sont pour toi. On était comme deux funam­bules, entre le béton et la lune…Cadeau d’adieu écrit sous le soleil d’automne. Mer­ci pour la balade. » 

Se rele­vant, il mur­mu­ra, presque mal­gré lui : For­get me not, « Ne m’oubliez pas. » Un rire cris­tal­lin l’accompagna un court ins­tant… Il fer­ma les yeux sur son chagrin. 

Ain­si soit-il.