Toulouse Contour,  Le temps additionnel 2022  (©Simon LAMOURET / Marianne NAIL)

Tou­louse Contour,  Le temps addi­tion­nel 2022 (©Simon LAMOURET /​Marianne NAIL)

28 jan­vier 2022, Tou­louse Contour, sor­tie de l’album Le temps addi­tion­nel  

On dirait le Sud…

Avec

Magyd Cher­fi, Michel Armen­got /​Art Men­go, Yvan Cujious

Clé­ment Libes (pro­gram­ma­tion et syn­thé, vio­lon, mel­lo­tron, gui­tare, uke­lele , pia­no, cordes , bass), Léo Bou­lou­mie (syn­thé, pro­gram­ma­tion, gui­tare, basse, chœurs) Étienne Cho­quet, Cyril Amou­rette (gui­tares), Samir Laroche, Julien Bru­ne­teau (pia­no ) Fré­dé­ric Petit­prez (bat­te­rie, per­cus­sions ), Yvan Cujious (trom­pette) Louis Mer­let (vio­lon alto) Eugé­nie Ursch (vio­lon­celle) Anna Sophie Maehl (chœurs )


« Il y a plein d’en­fants qui se roulent sur la pelouse
Il y a plein de chiens
Il y a même un chat, une tor­tue, des pois­sons rouges
Il ne manque rien

On dirait le Sud »

Le sud, enfin presque… Le Sud-Ouest plus pré­ci­sé­ment, puisque nous sommes à Tou­louse. Notons l’évolution du nom de ce trio… de « Con…tour » en deux mots – on se traite de con à peine qu’on se traite à Tou­louse, c’est bien connu !- à « contour »… Est-ce à dire que nous sommes invi­tés à nous éloi­gner quelque peu de la ville rose, à aller voir un peu plus loin, à ses frontières ?

C’est Yvan Cujious qui est à l’origine de cette bizar­re­rie, un trio qui n’allait pas vrai­ment de soi comme vous allez voir. Au départ Magyd Cher­fi et Art Men­go ne se connais­saient pas du tout. Voi­ci com­ment le second évoque pour La Dépêche du Midi, au milieu d’éclats de rire, sa pre­mière réac­tion : « Je trou­vais ça étrange. Magyd, Zeb­da, ce n’était pas mon truc. Yvan ani­ma­teur, ce n’était pas mon truc. L’accent, le côté ancré à Tou­louse, la région pour l’un, l’intégration pour l’autre, donc au début c’était non ! »

Sans doute Yvan Cujious, sa bonne humeur légen­daire, son goût du par­tage ont-ils fait le reste puisque les voi­là, en 2014, réunis pour répondre à une pro­po­si­tion de carte blanche dans un théâtre en Cha­rente Mari­time. Ain­si fut fait, nom­mé : Tou­louse Con Tour, en deux mots comme en cent ! Le visuel affi­chait déjà les trois chan­teurs pris d’un fou rire complice.

Nous pou­vons témoi­gner que ce moment de retrou­vailles en scène est effec­ti­ve­ment jubi­la­toire, en com­pa­gnie de l’accordéoniste Lio­nel Sua­rez, sur une scène éclai­rée de lou­piotes de guin­guette. Nous écri­vions alors : « De Car­los Gar­del à Juliette – bien sûr, celle qui chante que « Con », le petit mot après « bou­du », n’est pas une insulte, c’est un genre de mot doux – en pas­sant par Cas­tel­sar­ra­sin où Pierre Per­ret raconte l’histoire de « Mimi la douce », Astaf­fort où Cabrel des années 70 enton­ne­rait les Murs de Pous­sière façon rag­time, pour finir sur le tubes des années 80… Ils relookent super­be­ment Macum­ba, et emportent toute la salle dans le refrain. »

Cette fois, sept ans plus tard – c’est fou comme le temps passe ! – le trio se réunit sur un album où l’on trouve des reprises certes, mais au total six titres écrits par Magyd Cher­fi, avec Clé­ment Libes à la réa­li­sa­tion (Big­flo et Oli, Sopra­no mais aus­si Chris­tophe…).

On le devine, l’âge aidant, les thèmes ont pris quelques rides, ce petit quelque chose des illu­sions et des rêves frois­sés, des inter­ro­ga­tions inévi­tables. On le regarde droit dans les yeux ce temps addi­tion­nel qui nous reste.

Un titre de 2003, Demain, demain, signé Claude Sicre des Fabu­lous Tro­ba­dors prend encore une autre signi­fi­ca­tion, vingt ans et une pan­dé­mie plus tard…. « Demain c’est la terre pro­mise /​Demain c’est là le para­dis /​Demain demain s’éternise /​Demain décou­rage aujourd’hui » chan­son d’espérance, tein­tée de déri­sion bien sûr… Qui peut croire encore au para­dis ? Nous inter­ro­gions-nous dans l’évocation de leur pre­mier clip. Mais, comme l’indique le visuel, pas ques­tion de s’en lamen­ter. Grim­pés sur un magni­fique manège qui trône sur une place bien connue des tou­lou­sains, ils pré­fèrent jouer aux grands gamins encore étour­dis de leur goût de vivre et de chan­ter. L’amitié, l’amour du pays et son accent, fût-il mêlé à celui héri­té de l’autre bord de la médi­ter­ra­née, la chan­son pour trait d’union, ce n’est pas rien ! Et on leur fait fête, bien sûr ! D’où l’élégance des costumes…

L’album s’ouvre sur un titre bicé­phale, Magyd Cher­fi aux paroles, Michel Armen­got à la musique : Les filles, les gar­çons. C’est le grand enjeu, n’est-ce pas ? En avoir ou pas… Mais au final « Si les filles c’est des sou­cis /​Les gar­çons c’est de sou­cis… »

Et c’est avec une véri­table ren­gaine qu’il s’achève. Se trouve-t-il quelqu’un qui n’ait jamais repris le refrain de Lady Lay de Pierre Gros­co­las, adap­té de Bob Dylan ? Un amour de jeu­nesse que jamais rien n’a pu rem­pla­cer… « Moi quinze ans, vous presque une femme déjà … Je pense à vous bien sou­vent /​Je rede­viens un enfant »… Voi­là, nous y sommes, tous enve­lop­pés de nos­tal­gie, sur­tout quand remontent les sou­ve­nirs d’enfance et les mots inimi­tables de la mère…

Parions que vous aurez envie de vous déhan­cher sur le sou­ve­nir de Zeb­da où une oreille atten­tive dresse le por­tait d’un môme qui pour­rait bien res­sem­bler à Magyd… « Oua­la, oua­la­la­ra­dime, oua­la, oua­la­la­ra­dime… » ou sur ce pia­no qui se joue des Murs de pous­sière ou des Mots tendres, même si l’amour s’y fait la belle… car si ça se gâte sérieu­se­ment, avec le temps, du côté du couple, on s’adapte, « on n’a rien inven­té »… La « scène de ménage » se joue sur­tout à grands coups de ces pas grand-chose pour nos peaux fragiles.

Avouons que l’on aime ces dix chan­sons, où le trio opte pour une bonne humeur et une auto­dé­ri­sion sal­va­trices. Ces trois quin­qua­gé­naires avouent « Ce qu’on croit être la mélan­co­lie n’est que la mala­die du lit » car « ce truc qui bat dans le pou­mon est une pas­soire à démons… ». Le blues ? Sans doute par­fois, mais sur­tout « le blues du popo­tin » !

Alors on retourne volon­tiers à cette image joyeuse de trois hommes déci­dés à ne pas se prendre trop au sérieux, à nous invi­ter à rire de nos coups de gri­sou sen­ti­men­taux, à se gar­der de s’éloigner trop long­temps de « son lopin de terre », de « son vieil arbre plan­té au milieu… »

Le soleil sur les murs de pous­sière… », on n’a pas trou­vé mieux !

On dirait le Sud.