Dansez, dansez sinon nous sommes perdus  (©Nicolas Delmas / Festiv’Art Ariège)

Dan­sez, dan­sez sinon nous sommes per­dus (© Nico­las Del­mas /​Festiv’Art Ariège)

30/​11/​2020 – Deuxième vague – Jours 25 à 31

Ouvrir ensemble l’écran de nos fenêtres – #4

Avec, par ordre de passage :

Pina Bausch – Jur­ga, sculp­trice – Thier­ry Cha­zelle & Lili Cros – Le Bijou – Dimo­né – Meh­di Krü­ger & Lio­nel Mar­tin – Jiang Nan avec Agathe Di Piro, Wahd Ben Selim, Simoh Bou­chra – Emma­nuel Mag­de­laine – Jacques Gam­blin – Pomme – Gaë­tan Roussel 


« Dan­sez, dan­sez sinon nous sommes per­dus »

Ce seront donc, pour nous, les der­niers mots, des mots qui placent le lan­gage du corps au pre­mier plan … Les der­niers mots pour tendre vers vous cette pas­se­relle au-des­sus du vide qui nous mène­ra sur l’autre rive. Cette rive, cet ailleurs où, nos liber­tés retrou­vées, nous en aurons fini avec cette deuxième vague – et peut-être d’autres encore, selon cer­tains ! Alors, nous retrou­ve­rons nos petits cafés en ter­rasse, nos ren­dez-vous pour nous ser­rer dans les bras, nous embras­ser à bouche que veux tu, nos salles de spec­tacle sans masque qui fait obs­tacle à nos sou­rires… Nous n’aurons plus peur de l’autre, notre sem­blable, notre parent, notre frère, notre ami…

Ouvrons donc encore une fois l’écran de nos fenêtres pour aller au-devant de quelques uns de ceux et celles qui mul­ti­plient les ten­ta­tives de sur­vie, les appels au secours… On se dit que, même si le temps paraît si long, les mes­sages fini­ront par creu­ser leur sillon.

« Dan­sez sinon nous sommes per­dus », c’est le nom d’un col­lec­tif de dan­seurs, de pro­fes­seurs de danse qui, s’inspirant de Pina Bausch, ras­semblent ceux et celles qui ont la danse au cœur et au corps et ne veulent pas dis­pa­raître. Ain­si on a vu sur les places de nos villes se ras­sem­bler les écoles de danse – récem­ment en Haute-Pro­vence, à Dignes-les Bains – comme on a vu aus­si à Tou­louse, place du Capi­tole, une mani­fes­ta­tion artis­tique de grande ampleur et de belle et forte esthé­tique réunis­sant les métiers mena­cés par les mesures sani­taires. Dire avec son corps la menace de mort… Et cette mani­fes­ta­tion là n’est pas pas­sée inaperçue !

On rêve­rait que se mul­ti­plient les ini­tia­tives comme celles qui s’exprimèrent au prin­temps déjà… Rejoindre par exemple la « Nel­ken Line » de Pina Baush créée en 1982 sur une musique de Louis Amstrong… Rejoindre cette longue file de dan­seurs, leur marche lente, leurs mou­ve­ments des bras et des mains pour évo­quer les quatre saisons…Marcher ensemble vers demain…

Et puisque nous rap­pe­lons aujourd’hui la place du corps sin­gu­liè­re­ment mépri­sé, igno­ré quand il n’est plus pos­sible de se dépla­cer libre­ment, quand il est inter­dit d’étreindre, de dan­ser mais aus­si de chan­ter en chœur, nous vous pro­po­sons d’aller voir du côté de Jur­ga, sculp­trice, des­si­na­trice, qui eut de 1994 à 2019 sa gale­rie de l’Ecusson à Mont­pel­lier. Regar­dons ses terre-cuites enfan­tines, leurs expres­sions cor­po­relles décli­nant à l’infini la palette de nos émo­tions enfouies… Allons voir, revoir aus­si le der­nier clip de Thier­ry Cha­zelle et Lili Cros, Je me fais des films, extrait de leur der­nier album… Incroyable per­for­mance que ce mon­tage de scènes célèbres du ciné­ma. Un hom­mage donc à cet art, lui aus­si sacri­fié au long de cette année.

On remer­cie­ra aus­si au pas­sage le Bijou et toute son équipe pour le concert trans­mis en direct de Dimo­né… En 2014 nous écri­vions déjà qu’il est de ces artistes « qui donnent tout en scène, sans ména­ge­ment, qui prennent des risques comme sur la scène d’un théâtre de la cruau­té. C’est dans la peau, par la peau que ça se passe. C’est char­nel, réso­lu­ment char­nel. » Le corps, une fois encore, le corps en scène ! Et Dimo­né, ce soir là, a don­né pour nous, devant la salle vide, cette déme­sure, cette pré­sence sans conces­sion. Qu’il en soit remercié !

Nous aurions tant aimé avoir aus­si les images de l’improvisation sur des mots choi­sis par le public, la per­for­mance de Meh­di Krü­ger avec Lio­nel Mar­tin au saxo­phone, enre­gis­trée en octobre à la média­thèque de Quin­cié en Bau­jo­lais car nous connais­sons bien sa pré­sence féline, le mou­ve­ment de ses bras, son balan­ce­ment accom­pa­gnant le texte… En l’écoutant nous ima­gi­nions son « funam­bu­lisme artis­tique ». Offrez-vous ce qu’il appelle un « découvre-feu » pour vos oreilles ! C’est un enchan­te­ment, une éva­sion, une chevauchée…

Enfin, autre décou­verte « en live » à s’offrir, « l’espace poé­tique », jour après jour, « quinze petites cap­sules », des pas­tilles d’un effet bien­fai­sant garan­ti autour de la musi­cienne Jiang Nan au guz­heng, la pia­niste Agathe Di Piro, Wahd Ben Selim à la lec­ture et au chant, Simoh Bou­chra à la lec­ture (Pro­jet Silo en Lozère, por­té par l’association Détours du monde). Vous y savou­re­rez la ren­contre et la fusion des cultures, l’envoutement des voix, des textes, sou­vent en langue étran­gère, des ins­tru­ments qui se cherchent, se répondent dans une impal­pable dou­ceur, une grâce indicible.

Enfin on ne sau­rait trop vous rap­pe­ler La poé­sie des qua­torze courts mon­tages d’Emma­nuel Mag­de­laine ras­sem­blés main­te­nant sur sa page You Tube. Le der­nier nous pro­met la séré­ni­té « La nuit sera calme » avec la voix de Jacques Gam­blin… La veille, la voix de Pomme chan­tait : « J’attends »…

« Les fleurs ne meurent pas vrai­ment
 Elles renaissent au prin­temps »

Gaë­tan Rous­sel conclut : « Un peu de patience »…

Tout est dit. En une minute…