Comme des fenêtres – 2020  (©L’Usino Topie)

21 au 25 mars 2020, épi­sode 2 du confi­ne­ment contre le COVID-19

Comme des fenêtres – épi­sode 2

Avec

Des musi­ciens, auteurs, chan­teurs en gras dans le texte


… Inter­stice temporel…

L’art et sa force d’ou­vrir vers un monde d’ailleurs n’ont jamais été aus­si impor­tants. L’Art per­met d’ou­vrir des espaces encore incon­nus, de connec­ter des êtres entre eux, de révé­ler des pos­sibles, de cri­ti­quer les faci­li­tés, de se révol­ter contre les injus­tices, de jouer avec nos perceptions…

En ces jours où les lieux de spec­tacle et les espaces publics sont vides, soyons nom­breux à rêver ensemble, à construire un len­de­main, dans un élan d’es­poir. La peur n’a jamais per­mis aux humains d’a­van­cer dans le bon sens.
Soyons créa­tifs et invi­tons dans notre quo­ti­dien nos peurs pour mieux les ques­tion­ner, les dépas­ser, les transformer

L’Usino Topie, Fabrique des arts de la marionnette 

Lais­sons une fois encore Waj­di Moua­wad ouvrir ce deuxième temps, ce deuxième inter­stice tem­po­rel inat­ten­du, en nous pro­po­sant sur le site du Théâtre de la col­line une méta­phore que voi­ci : « Que peuvent et doivent faire les artistes ? Si la san­té est aujourd’hui le grand requin blanc se bat­tant contre la mala­die, qui sont alors les petits pois­sons pilotes qui accom­pagnent les squales ? Nous sommes peut-être ces petits pois­sons pilotes… »

À défaut de l’être soi-même, à cha­cun de trou­ver ses petits pois­sons pilote. À cha­cun, au gré de ses péré­gri­na­tions sur le net. A cha­cun son flo­ri­lège, ses décou­vertes, selon son temps dis­po­nible… C’est un spec­tacle en conti­nu à la mesure de cette déme­sure de la pan­dé­mie. A por­tée d’un seul clic, tout peut advenir.

Lais­sons les inévi­tables cen­seurs de la Chan­son, empê­cheurs de chan­ter en rond, qui ne man­que­ront pas de déni­grer ceux qui mobi­lisent au même moment des mil­liers d’internautes. Patrick Bruel ne sera sans doute pas épar­gné, ni Jean-Jacques Gold­man, sor­ti de son silence pour une goguette adres­sée aux pro­fes­sion­nels sur le front, à ceux qui « changent la vie ». Notons que Fran­cis Cabrel et ses minutes quo­ti­diennes cali­brées, enri­chies d’un ensei­gne­ment sur les accords de gui­tare, y échap­pe­ra sûre­ment, de même que Jean-Louis Aubert dont la sim­pli­ci­té, la bonne humeur (et le rock and roll !) forcent la sym­pa­thie. Quant à Mat­thieu Che­did – M, on est défi­ni­ti­ve­ment conquis par son « petit live acous­tique en direct de son salon », en com­pa­gnie de sa fille Billie… Mais plus encore par la lec­ture musi­cale des poé­sies de sa grand-mère Andrée avec Pierre Richard… Un émer­veille­ment que l’on peut voir et revoir sur sa chaîne You Tube.

Ima­gi­nons un seul ins­tant le concert que pour­raient nous pro­po­ser, le même jour, sur une même scène, quelques uns de ceux que nous aimons et qui sont au quo­ti­dien de cou­ra­geux petits pois­sons pilotes. On vous pro­po­se­rait par exemple, pour com­men­cer, Lise Mar­tin dans Je t’aime de Michèle Ber­nard – un petit miracle de beau­té et de ten­dresse – Gui­lam et son fils Séve­rin nous invi­tant, pour­quoi pas, à aller « sif­fler là haut sur la col­line », Cathy Fer­nan­dez chan­tant Bras­sens amou­reux Je me suis fait tout petit, Raphaël De Maio dans un poème de Nazim Hik­met mis en musique par Julos Beau­carne Que les nuages ne tuent pas les hommes. Après un tel texte, on ferait sans doute une petite pause pia­nis­tique avec Pierre-Antoine… Juste ce qu’il faut pour écou­ter Simon Chouf reprendre une chan­son injus­te­ment oubliée de Bar­ba­ra Tu ne te sou­vien­dras pas. Ensuite, sur cette scène sans fron­tières, nous vien­drait Méli­née  qui depuis Ber­lin chan­te­rait l’une de ses « coro­na­vi­rus songs », Eric Fra­siak repren­drait Ivrogne et pour­quoi pas de Ber­nard Dimey depuis son stu­dio de Bar-le-Duc, Ber­nard Joyet poin­te­rait alors son nez pour dire « On peut aus­si vou­loir, tout compte fait, s’y mettre aus­si… Et puis non ! » (Sacré Ber­nard !) avant que n’arrive, cro­quant un bon­bon, puis siro­tant sa tisane (si, si !) Yves Jamait qui com­mence par pour­fendre en peu de mots nos poli­ti­ciens vision­naires ( !) et chante « Quand revien­dras-tu, quand ces­se­ras-tu d’être un sou­ve­nir pour tous ceux qui t’ont connu autre­fois… ». Pour finir, avec le charme des « chan­sons sans paroles » on écou­te­rait Thi­baud Defe­ver, accom­pa­gné à dis­tance par Marc Clo­ser au saxo­phone bary­ton, inter­pré­tant sa com­po­si­tion, Ivry.

Cou­ra­geux et inven­tifs nos petits pois­sons pilotes conti­nuent d’agrémenter d’instants lumi­neux nos vies de confi­nés : Vincent Capra­ro nous ouvre son album de pho­to­gra­phies de concerts, Gilles Tcher­niak celui du caba­ret de ses parents, Le Che­val d’or. Jean-Claude Barens publie ses « vignettes his­to­riques », asso­ciant une œuvre d’art à une légende facé­tieuse du genre « Marat, der­nier de Cor­day » sous le tableau de Paul Bau­dry. Patrice Mer­cier détourne notre actua­li­té au pro­fit de son humour et de son talent de comé­dien. Marion Cou­si­neau offre une demi-heure de lec­ture quo­ti­dienne… Après La folle allure de Chris­tian Bobin, Car­nets du lac (celui qui ins­pi­ra la chan­son d’Anne Syl­vestre, Le lac Saint-Sébas­tien) de la qué­bé­coise Hélène Ped­neault, voi­ci Déluge du belge Hen­ry Bau­chau… Tout est dis­po­nible sur son site internet.

Et si ce virus, cette épreuve, était cet ange qui arrête la main d’Abraham sur le point d’égorger ce qui lui est le plus cher ? sug­gère Waj­di Moua­wad. Quelque chose serait-il en train d’être souf­flé à l’humanité ? Y prê­te­rons-nous l’oreille, et le cœur s’interroge Jéré­mie Bos­sone au moment où il pose la gui­tare et quitte les réseaux sociaux pour se consa­crer à l’écriture ?