B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

10e Prix Georges Mous­ta­ki, 2020 (© David Desreumaux)

20 février 2020 – Prix Georges Moustaki

Le Prix Georges Mous­ta­ki fête sa pre­mière décen­nie. Voi­ci 10 ans qu’il récom­pense et met en lumière chaque année des artistes fran­co­phones auto­pro­duits et indé­pen­dants sans dis­tinc­tion de style. Ses sou­tiens : l’association Poé­sie et Chan­son Sor­bonne, la Sor­bonne Uni­ver­si­té et son ser­vice cultu­rel, La Scène du Bal­con, dans le cadre d’« Une Sai­son de lec­ture dans le 2e arron­dis­se­ment de Paris », la Mai­rie du 2e arron­dis­se­ment, la Ville de Paris et la Région Île de France.

Avec
par ordre de passage

Sept fina­listes : Brune, Abel Ché­ret, Fran­coeur, Ando­ni Itur­rioz, Matéo Lan­glois,  Mel­ba et Théo­phile


Centre Male­sherbes – Sor­bonne Uni­ver­si­té (Paris)

Être sélec­tion­né pour par­ti­ci­per à la soi­rée d’attribution du Prix Georges Mous­ta­ki, voi­là qui sans nul doute, ras­sure, conforte… Y rece­voir l’un des Prix ou l’une des « sélec­tions » remises par l’un ou l’autre membre du jury, c’est incon­tes­ta­ble­ment un ins­tant de forte émo­tion et une récom­pense pour tant et tant d’heures dans l’ombre et le secret de sa créa­tion… Pour des heures où le vent s’engouffre dans le crâne et sous la peau, ces moments d’hiver, ces inquié­tudes, ces angoisses, ces ques­tion­ne­ments sur le sens de son enga­ge­ment inhé­rents à la condi­tion d’artiste. Et que dire de celui qui œuvre dans le domaine de la Chan­son d’expression fran­çaise si mar­gi­na­li­sée, mal­gré l’abondance des pro­po­si­tions et sou­vent leur qua­li­té ? Alors on ima­gine aisé­ment les espoirs que sus­cite l’organisation de ce prix réunis­sant chaque hiver bon nombre de professionnels.

Disons tout net que c’est d’abord une belle soi­rée. Le lieu est pres­ti­gieux, confor­table et l’accès gra­tuit. Les deux fon­da­teurs, figures tuté­laires de la chan­son, se donnent sans comp­ter pour main­te­nir la qua­li­té de l’événement et répondre au pres­tige du nom qu’il porte. Thier­ry Cadet (Mélo­dy, HorS­cène) penche vers la Chan­son dans son accep­tion la plus large et la plus popu­laire quand Mat­thias Vin­ce­not (Asso­cia­tion Chan­son Poé­sie Sor­bonne, Aca­dé­mie Charles Cros, Poé­sie en Liber­té, Fes­ti­val DécOU­VRIR de Concèze…) lui asso­cie la poé­sie la plus exi­geante… Avec le jury qu’ils réunissent ils sou­haitent ain­si main­te­nir une sélec­tion riche et diverse.

On doit recon­naître que la soi­rée de la 10e édi­tion n’a pas tra­hi cette pro­fes­sion de foi. De la diver­si­té, de l’éclectisme nous en avons eus ! On aurait juste aimé que les tech­ni­ciens son et lumières soient davan­tage pré­oc­cu­pés du confort du spec­ta­teur (son très pré­ju­di­ciable aux pre­miers pas­sages, lumière aveu­glante…) On ne s’attardera pas sur ce point car la soi­rée nous a réser­vé d’excellents moments, d’autant plus que cet anni­ver­saire nous valait de voir des mon­tages d’extraits vidéo d’abord des deux noms asso­ciés, Mar­cel Amont, pré­sident – hélas empê­ché pour rai­son de san­té – et Suzane, fraî­che­ment auréo­lée de sa Vic­toire de la musique, puis des images des édi­tions anté­rieures. Ain­si on vit défi­ler dix années de la Chan­son, avec les pré­si­dents, les par­rains, mar­raines, les lau­réats, quelques repor­tages sur leur deve­nir après le Prix… Excel­lente ini­tia­tive vrai­ment qui évite aus­si des bavar­dages inconsistants…

Alors venons –en aux pres­ta­tions des fina­listes – deux chan­sons cha­cun, certes c’est bien peu pour convaincre, pour rendre compte d’une originalité…

Le moment est venu de voir qui suc­cè­de­ra à Meliss­mell, Ven­deurs d’enclume (Vale­rian Renault), 3 Minutes sur mer (Guil­hem Valayé), Govrache, Jules & Jo, Eske­li­na, Léo­pol­dine HH, Ger­vaise et Leï­la Huis­soud… Une liste qui donne à voir ce que le mot Chan­son peut aujourd’hui signi­fier. Un sacré flo­ri­lège, on en conviendra.

Très rock, très « rouge » est le départ avec Brune, farou­che­ment atta­chée à son indé­pen­dance et à l’expression de ses ténèbres… Vient ensuite un nom que l’on voit main­te­nant sou­vent cir­cu­ler, celui d’Abel Che­ret et ses textes pro­fonds que l’on aime­rait, on l’avoue, décou­vrir dans un autre envi­ron­ne­ment sonore que ce tout élec­tro… Avec Fran­coeur s’accompagnant à la harpe on assiste à un moment bien­fai­sant de charme et de dou­ceur. Fraî­cheur, fran­chise et humour sont de mise quand on l’interroge. Un vrai boute-en-train quand elle agré­mente la remise des prix de son imi­ta­tion du cri du dau­phin… Quand vient le trio d’Ando­ni Itur­rioz et de ses deux musi­ciens (Ber­trand Louis au pia­no et Samuel Cajal à la gui­tare), on assiste à la « joie noire » d’une chan­son sans conces­sion. C’est âpre, ardent, puis­sant… Une chan­son nour­rie de mille et un pay­sages, de tra­ver­sées hors de soi et en soi. Peut-être trop épique pour si peu de temps en scène ?

On en est encore à cette inter­ro­ga­tion quand Matéo Lan­glois com­mence avec son saxo­phone, ouver­ture qui laisse s’installer une atmo­sphère sonore enve­lop­pante, gri­sante comme l’est son écri­ture et tout ce qu’il agrège autour, et même ses pas de danse… Dif­fi­cile de lui résis­ter, nous le savons bien. Le dénoue­ment le confir­me­ra cette fois encore. Mel­ba, lui suc­cède. Voi­là une jeune femme qui vient en découdre. Quelle éner­gie, quelle soif d’exister et de la par­ta­ger ! Il est vrai qu’il est ensuite dif­fi­cile à Théo­phile de conclure… On pense alors à quelques demi-fina­listes écar­tés : Marion Cou­si­neau, Estelle Meyer, Mar­jo­laine Pié­mont, Cat Loris, Sophie Le Cam… Dure loi de la sélection !

Matéo Lan­glois ajoute donc à son pal­ma­rès ce prix du jury après son Prix d’écriture Claude Nou­ga­ro en 2016, et ses nom­breuses récom­penses de l’année pas­sée : Pic D’Or de Tarbes, Trem­plin L’Entrepôt en Aqui­taine, Prix Magyd Cher­fi /​Pause Gui­tare à Albi, Label Réseau chan­son Occi­ta­nie, Sélec­tion Méga­phone Tour… Notons que la récom­pense offerte par l’association La Voix du Scribe qui lui offre l’opportunité de publier des textes sera sans doute l’occasion d’affiner son lien avec l’écriture et de prendre le temps de ques­tion­ner ses récompenses.

« Mais le man­teau pro­tège et le vent peut souf­fler, je veux sur­prendre, encore, et puis m’en­vo­ler » (Matéo Lan­glois, Face­Book, 26/​02/​2020).

A quoi Alain Sou­chon répond :

« Je rêve je vole /​Si tu m’crois pas hé /​Tar” ta gueule à la récré »

LES PRIX 2020

  • Matéo Lan­glois : Prix du Jury, Prix Cata­lyse, Sélec­tion Le Mans Pop Fes­ti­val (pro­gram­ma­tion), Sélec­tion du Scrib (recueil des textes de l’artiste
  • Fran­coeur : Prix du Public, Sélec­tion des Dis­co­thèques de la Ville de Paris (pro­gram­ma­tion), Sélec­tion de Juliette Solal (coa­ching scé­nique offert)
  • Abel Che­ret : Sélec­tion du Fes­ti­val Pause Gui­tare (pro­gram­ma­tion)
  • Mel­ba : Sélec­tion de La Manu­fac­ture Chan­son (pro­gram­ma­tion), Sélec­tion du maga­zine « Fran­co­Fans », Sélec­tion La Filière CFPTS (rési­dence)
  • Théo­phile : Sélec­tion de l’émission Web Du Son dans mon Salon