Allain Leprest, Toujours Bella Ciao (@ René Pagès)
31 août 2021 – Se℗t de Cœur en bref
René Pagès, homme de radio, rend hommage à Allain Leprest. En 9 ans de son émission Se℗t de Cœur, un titre d’Allain a été choisi 34 fois. Retour sur ces citations, publiées en vingt jours
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Avec, par ordre de publication
Francesca Solleville (Bilou), Nathalie Miravette & JePh (La Gitane), Henri Courseaux, Grise Cornac & Clément Bertrand (Il pleut sur la mer), Evelyne Gallet (Mec), Karimouche, Marie des Banquettes Arrières & Emilie Perrin (C’est peut-être), Olivier Gil (Je vous vois), Nico* (Ton cul est rond), Jehan (Parole de vivant), Philippe Forcioli & Talia d’Evasions (Nu), Lucas Lemauff (Le chagrin), Loïc Lantoine (Mont Saint-Aignan), Yves Jamait (On dira), Pierre-Antoine (Une valse pour rien), Monique Brun (Êtes-vous là ?), Florent Vintrigner de La rue Ketanou & Thomas Pitiot (Le copain de mon père), Jean-Michel Piton & Wally (Il pleut sur la mer), Boule (Donne-moi de mes nouvelles), Christiane Courvoisier & Céline de Délinquante (La Gitane), Gérard Pierron (Martainville), Francesca Solleville (Le tamis)
Aujourd’hui, 31 août 2021, René Pagès, homme au bel accent du Sud-Ouest, homme de radio aussi discret qu’il est amoureux fou de la Chanson, referme l’album hommage à Allain Leprest, disparu il y a dix ans. Qu’il soit ici remercié pour l’élégance de ce geste qui allie, relie, plusieurs générations de chanteurs et chanteuses à celui que Claude Nougaro disait l’un des plus « foudroyants » auteurs de chansons.
Pendant vingt jours il a publié sur sa page FaceBook des extraits de ses 340 émissions Sep℗t de cœur où il a invité, depuis neuf ans, 272 musiciens chanteurs à choisir sept titres, parfois à plusieurs reprises, suivant leur actualité. Parmi ces titres, Allain Leprest, est revenu 34 fois. Et l’on ne sera pas étonné que ce soit à Francesca Solleville que René ait confié le soin d’ouvrir et de refermer cet hommage, celle à qui l’auteur confia tant de textes, même quelques jours avant de couper « le fil fragile de son destin »… « J’ai juste la prétention /D’imaginer que ma chanson /Ta rouge gorge à l’unisson /D’un merle moqueur la fredonne » (Le tamis)
Dans notre abécédaire consacré à la chanson (La Chanson, une vie, Ed. Vox Scriba), inévitablement Allain Leprest est apparu plusieurs fois mais c’est avec la lettre G et le mot Gloire qu’il nous est paru évident de le citer, lui qui jamais n’eut une reconnaissance à la hauteur de sa fulgurance d’auteur et d’interprète. En voici quelques lignes :
« C’est pour l’amour pas pour la gloire. » En 2012, le festival Chanson de Barjac en avait fait son slogan, sa devise. Le cri de ralliement d’une frange de la création qui tourne le dos aux aspirations de conquêtes mercantiles.
Plus que jamais, cet été 2012, il fallait se réunir autour d’un idéal de générosité, de rencontre, de solidarité. Celui que le poète chantait en termes simples, suant d’authenticité : « Je chante ce soir pas loin d’Honfleur la la /J’mange un piano vers les vingt heures la lalala /Je ramène tout l’monde, les gosses, ma gueule /Le mec perdu, la vieille toute seule /C’est pour l’amour, pas pour la gloire /Je viens vous voir ».
Car un an avant, le 15 août 2011 exactement, Allain Leprest avait décidé d’en finir. Il se faisait la belle sans crier gare et laissait le monde de la Chanson orphelin. Je me souviens encore du cri déchirant d’une spectatrice lorsque j’annonçai cette mort tragique sur la scène de Festiv’Art. Ce cri reste pour moi comme le symbole de ce que pouvait incarner cet artiste qui touchait à l’âme, à ce que nous avons de plus intime et de plus fragile…
« Nu, j’ai vécu nu, naufragé de naissance. »
Dans les Se℗t de Coeur en bref de René, ceux qui se reconnaissent en lui, en son parcours qui les garde ignorés de ce qu’il est convenu d’appeler « le grand public », ne manquent pas de le citer, de rapporter l’influence qu’il a pu avoir sur leur création, d’évoquer – pour les plus chanceux – leur rencontre. Ce travail de collectage permet ainsi de parcourir tout un univers de chansonniers qui parfois rivalisent de talent poétique pour l’évoquer… Ecoutons Véronique Pestel dire de lui qu’il est « un soleil de galaxie… nous, on est des planètes » et lui consacrer un poème devenu ensuite chanson : « Ta chemise en sueur – Sur ta peau de sec /Tes chansons de peur dans ta voix de peine /Deux ailes et de l’esprit – De la tripe et du geste /Pendu au ciel du cri – Vive le mort qui sort…».Lisons Claude Semal dans L’Asymptomatique, in Allain Leprest avec deux ailes, 57 ans pour toujours : « Ainsi était Allain, la bouche pleine de crapauds et de merveilles, amuseur d’enfants et poète céleste, à toujours marcher entre deux vins, sur le fil fragile de son destin. »
A travers tous ces mots que nous avons lus, entendus, émerge le portrait d’un homme de partage, d’amour des autres, un joyeux capable de « jeux de mots dès le petit déjeuner » (Marie des Banquettes Arrières) un sensible, amoureux fou de la vie, du vivant, assujetti à l’alcool et à la cigarette, « un tendre qui n’arrive pas à exprimer sa tendresse » (Henri Courseaux), « un écorché vif » (Boule), « naufragé de naissance » (Talia du groupe Evasions). Certains ont vu leur vie bouleversée radicalement par la rencontre d’Allain. Bien sûr, on pense à Francesca Solleville, mais aussi à Emilie Perrin, comédienne qui doit à Francesca d’avoir chanté et découvert Allain, plus encore Loïc Lantoine qui lui confia ses premiers textes et reçut cette réponse : « Dis-toi que t’écris, et c’est pour toujours ! », à Jean-Michel Piton qui faisait partie du « même contingent » de découvertes au Printemps de Bourges 1985 et qui avoue « nous arrivions péniblement à le suivre », Céline du duo Délinquante, d’abord accordéoniste, qui découvre, grâce à l’album Voce A mano avec Richard Galliano, la force et l’importance du texte.
Pour parler de l’auteur, le « virtuose », de « l’orfèvrerie pure » (Nico*), mais aussi de l’interprète de génie qui bouleverse, provoque un « choc », vous met une « claque », celui que l’on nomme, comme Monique Brun, « l’évidence même », on se plaît, pour finir, à rapporter le récit de Gérard Pierron découvrant Allain Leprest avec deux autre spectateurs ( !) au cabaret Chez Georges, rue des Canettes – l’un de ces cabarets qu’Alain Souchon évoque dans sa chanson Rive Gauche : « J’ai cru avoir devant moi Vian, Prévert, Mac Orlan…J’ai pleuré une demi-heure… Il m’a invité à dormir chez lui, à côté du Père Lachaise… Il n’y avait pas de lit… Allain, Sally et les deux enfants dormaient sur un tapis… Il avait pris l’électricité sur le palier… J’ai réparé ça… Le lendemain, ils découvrent un smoking dans une poubelle… Le soir, Allain a chanté avec son smoking ».
Dans quelques jours, les 3, 4 et 5 septembre, la MJC de Venelles fête ses 50 ans et, à cette occasion, elle choisit de s’appeler dorénavant MJC Allain Leprest. On retrouvera en concert ses amis, Jehan & Lionel Suarez, Romain Didier et Enzo-Enzo.
Y a encore un peu de fumée
Jette ce qui reste aux nuées
Les dominos, les dés, les brèmes
La haine, la peine et la Seine
Les perdus, les morts, les vivants
Le printemps, la pluie et le vent
Le beau bûcher, les belles flammes
Martainville, Allain Leprest /Étienne Goupil